vendredi 18 octobre 2024

Les mensonges fondateurs d’Israël



La politique expansionniste, d’épuration ethnique, voire génocidaire de l’État d’Israël est assise sur une montagne de mensonges qui lui servent de justification morale et la légitimisent. Michel Colon parle de média-mensonges qui sont forgés et souvent diffusés presque instantanément pour frapper les esprits et justifier une guerre et un massacre. Aujourd’hui, avec les réseaux sociaux, la déconstruction des média-mensonges est aussi rapide que leur construction.

Les mensonges historiques, ancrés dans les mémoires, sont des idoles plus difficiles à détruire. Ce à quoi nous allons nous atteler ici est la déconstruction d’une infime partie de ces mensonges historiques qui ont servi hier et qui servent encore aujourd’hui à Israël de légitimation et de passe-droit dans sa guerre théologico-raciale contre les Palestiniens.

La Palestine, une terre sans peuple et non cultivée

Les colons juifs se seraient installés dans une Palestine très peu peuplée, un désert non cultivé où vivaient des bédouins. C’est le mythe et slogan d’une « terre sans peuple pour un peuple sans terre ». Ce mythe a été forgé aux temps bibliques, durant la période de domination babylonienne, après les déportations des élites judéennes à Babylone au VIe siècle avant J.-C.

Contrairement à l’idée répandue, l’essentiel du peuple était resté en Juda. Certains textes bibliques donnent l’impression que Juda était un pays vide durant l’époque d’exil à Babylone, créant ainsi le mythe selon lequel tout Juda fut déporté : « C’est ainsi que Juda fut déporté loin de sa terre. » (2 Rois 25, 21)

Les exilés à Babylone constituaient l’élite judéenne qui se considérait comme le « vrai Israël », méprisant les Judéens du bas peuple restés en Juda. Dans les textes bibliques, à quelques exceptions près, l’essentiel de ce qui est rapporté sur la vie à Juda l’est dans la perspective des exilés babyloniens. Ainsi, on trouve, notamment dans le livre d’Ézéchiel, des polémiques virulentes contre les gens restés dans le pays, qui sont considérés comme rejetés par Yahvé, lequel, selon les dires des rédacteurs du livre, aurait quitté son pays pour accompagner les exilés à Babylone.

À l’époque contemporaine, ce mythe prit une place importante dans le discours sioniste, sous-entendant que la Terre Sainte, vide, attendait que les juifs viennent la repeupler ; rejetant l’existence même des Palestiniens en tant que peuple.

Ainsi, les Juifs sionistes, dans les années 1930, continuaient à parler de la Palestine comme d’une terre « déserte, négligée, abandonnée, qu’ils étaient appeler à sauver des Arabes, apparemment. » Alors qu’en réalité, « la Palestine a toujours été pleinement cultivée, autant qu’un peuple qui n’a pas de grosses fortunes et use de méthodes primitives peut le faire. Ils n’étaient pas épaulés par des initiatives ou par la finance, ne pouvaient pas entreprendre des travaux d’irrigation, drainage de marais et autres projets requérant un financement. Mais leur culture de la terre était convenable et suffisante. En ce qui concerne les vergers d’orangers, ils réussissaient extrêmement bien et les Juifs qui leur ont succédé ont souvent appris des cultivateurs du pays plus que de leurs livres », rapporte Béatrice Steuart Erskine en 1935.

Les Arabes de Palestine sont anti-juifs

Avant l’arrivée en masse d’immigrés juifs d’Europe de l’Est et centrale, des juifs vivaient paisiblement en Palestine.

En 1881, la Palestine (dans les limites de ce qu’on nommera plus tard la Palestine mandataire) on compterait environ 470.000 habitants, dont 25.000 juifs. En 1914, le pays aurait compté un peu plus de 720.000 habitants dont près de 80.000 juifs.

Il faut donc distinguer deux communautés juives en Palestine : le vieux Yichouv (la vieille communauté juive) et le nouveau Yichouv (les immigrés juifs européens) qui commencent à émigrer vers la Palestine dans les années 1870.

En 1918, les Palestiniens acceptent l’idée d’une nouvelle immigration juive, mais à condition que ce soit dans le cadre d’une égalité des droits avec les autres populations. Mais comme le fait remarquer Henry Laurens, pour les sionistes, cette égalité est inacceptable, du fait qu’ils désirent au minimum une communauté nationale exclusive et au maximum l’appropriation de toute la Palestine.

La même année, les Palestiniens, organisés en comités islamo-chrétiens composés de notables représentant les grandes agglomérations commencent à organiser des manifestations contre ce qu’ils perçoivent comme une future expropriation. Au début des années 1920, L’Association islamo-chrétienne était devenue la principale organisation politique palestinienne.

Pendant les années 1920, le foyer national juif reçut, en plus de l’aide britannique, de l’argent de grandes fortunes juives américaines. Un certain nombre de juifs de Russie, à qui la Grande-Bretagne accorda des visas d’immigration, s’installèrent en Palestine.

« Le Yichouv [communauté juive] se fonde en tant que refus absolu de toute collaboration économique et sociale avec la population arabe. L’exclusivisme juif, nécessaire pour la constitution du foyer national, fait que toute interaction avec le secteur arabe est considérée comme une défaillance qu’il faut absolument pallier. L’ambiguïté historique du sionisme en tant que formulation nationale et laïcisante d’une communauté jusqu’alors définie en termes religieux constitue le Yichouv en entité hybride : un ensemble civique ayant le droit de s’appeler "peuple", mais dont les critères d’appartenance sont définis par une appartenance religieuse. »

La politique anti-juive de l’Allemagne nazie et la Seconde Guerre mondiale intensifièrent l’immigration juive vers la Palestine.

« La majorité arabe s’amenuisant, le temps approchait où une majorité juive la remplacerait. L’Angleterre attendait ce moment pour déclarer la Palestine apte à l’indépendance. De cette manière l’État juif, solidement implanté, fleurira de lui-même sur le foyer national. Les Juifs non sionistes renouvelèrent les avertissements donnés en 1919. Comme leurs frères l’avaient fait en Angleterre, ils élevaient maintenant la voix en Amérique en faveur d’une religion juive aux valeurs universelles, placée bien au-dessus d’une nationalité. » 

L’immigration devait s’intensifier et les frontières s’élargir.

« La Palestine du mandat est tronquée, disaient les Juifs ; c’est l’antique Palestine historique qu’il faut voir, avec les districts actuellement libanais, syriens, transjordaniens, car elle devait s’étendre aux terres basses de l’est de la vallée jusqu’aux plateaux orientaux, et inclure, évidemment, au sud-ouest le désert du Sinaï. » 

Les révoltes se multiplient contre les immigrés, dans un pays où les juifs n’avaient jamais été inquiétés auparavant. Les juifs palestiniens ne sont jamais visés, car ils sont, tout comme les Palestiniens chrétiens et musulmans, des autochtones.

Les immigrés juifs se plaignent que le mandat est pro-arabe, et entretiennent une forte immigration illégale parallèlement à celle qui est autorisée. Ils revendiquent même l’ouverture de la Transjordanie (l’ancien nom de la Jordanie) à l’immigration.

Les Palestiniens ont attaqué les immigrés juifs sans raison

Deux événements sont mentionnés par les sionistes pour démontrer à quel point les Palestiniens sont hostiles aux immigrés juifs : les révoltes ou pogroms de 1929 et 1936. Voici le contexte.

Dès le début des années 1920, des confrontations éclatent entre immigrés juifs et Palestiniens, mais également entre juifs immigrés socialistes et juifs palestiniens communistes : le 1er mai 1921 à Jaffa, des incidents et des heurts entre eux vont durer trois jours. Témoins des affrontements, des Arabes de Jaffa se joignent aux juifs palestiniens et attaquent un foyer d’immigrants juifs.

« La ville entière de Jaffa fut rapidement le théâtre d’une sauvagerie extrême, rapporte le 5 mai 1921 le drogman du consulat de France. Musulmans et chrétiens assommaient à coups de bâton tous les Juifs qu’ils rencontraient sur le chemin. »

En outre, les juifs Palestiniens religieux du vieux Yichouv s’opposent aux immigrés juifs – après les avoir accueilli dans les années 1880 – pour deux raisons principales : l’influence sioniste qu’ils exercent sur les juifs Palestiniens, et leur absence totale de pratique religieuse. Ils pointent du doigt alors les dangers d’une nouvelle colonisation.

Les juifs religieux, notamment ceux qui viennent du Yémen, se plaignent eux aussi des juifs sionistes athées. Voici le témoignage éloquent d’un juif yéménite qui a immigré en Palestine :

« Les Arabes parmi lesquels nous vivions ne nous dérangeaient pas, ne serait-ce que dans la moindre observance religieuse. Au contraire, le gouvernement reconnaissait notre religion, nos droits et notre foi. Si un officiel ou un homme de la police se présentait parmi nous pendant le Sabbat, il n’osait pas fumer, ni profaner le Sabbat en quoi que ce soit. Et ici ils [les juifs sionistes] font outrage et ils forcent les nôtres à profaner le Sabbat. Ils se moquent de nous, ils tournent en dérision notre foi traditionnelle, nos prières et les observances religieuses de notre sainte Torah. » 

Les juifs religieux antisionistes répondent à la propagande sioniste sur les conditions de vie des juifs dans les pays musulmans, y compris en Palestine. Ils publient des témoignages de bon voisinage entre les juifs et les musulmans. Ils accusent les sionistes d’avoir « provoqué des émeutes anti-juives, tant par leur colonisation de la Palestine que par leurs activités clandestines dans plusieurs pays arabes. Ceux parmi les opposants du sionisme qui prônent un retour à la souveraineté musulmane en Terre Sainte ainsi que ceux qui proposent la transformation de l’État d’Israël en un État binational s’entendent pour dire que la haine du juif qui se manifeste actuellement dans plusieurs sociétés arabes n’est qu’un phénomène récent et donc réversible », explique l’historien Yakov M. Rabkin, qui précise que cette vision est partagée par plusieurs historiens juifs en Israël et ailleurs et elle s’appuie sur des sources neutres telles que les mémoires d’un observateur militaire allemand lors de la Première Guerre mondiale selon qui les rapports entre les Arabes et les juifs pieux étaient « excellents avant l’arrivée des sionistes ».

À la fin des années 1920, les sionistes avaient déjà tué des centaines de Palestiniens et de juifs. À cette époque, les Palestiniens natifs représentaient 80 à 90 % de la population. La Palestine était alors, jusqu’en 1928, traitée par Londres comme un État dans sa sphère d’influence, et non comme une colonie. Les Britanniques ont essayé de mettre en place une structure politique où les deux communautés seraient représentées sur un pied d’égalité au Parlement et au gouvernement. En pratique, quand l’offre a été faite, elle était moins équitable ; elle était avantageuse pour les colonies sionistes et défavorable à la majorité palestinienne. Au sein du nouveau Conseil législatif proposé, la balance pencherait en faveur de la communauté juive, qui devait s’allier à des membres nommés par l’administration britannique.

Le soulèvement des Palestiniens en 1929 a été « le résultat direct du refus des Britanniques de tenir au moins leur promesse de parité, après la renonciation des Palestiniens au principe démocratique de la majorité », que la Grande-Bretagne avait ardemment préconisé comme base des discussions dans tous les autres États arabes de sa sphère d’influence.

Le soulèvement des Palestiniens est spontané, et il est multicausale. C’est une période où l’immigration juive s’intensifie. Viennent s’ajouter à cela des tensions autour de la mosquée al-Aqsa et du Mur occidental (aussi appelé Mur des lamentations). En novembre 1928, le grand mufti met en place un « comité pour la défense des lieux saint à Jérusalem ». L’historien Georges Bensoussan parle de propagande du mufti qui désire amener le conflit sur le terrain religieux ; pourtant, le rapport de la commission Peel de 1937 (ordonné par le gouvernement britannique pour élaborer une solution suite à la révolte de 1936) affirme clairement que les juifs « convoitent l’ancien emplacement du Temple occupé par le Haram al-sharif des musulmans ».

D’ailleurs, le 15 août 1929, les partisans de Jabotinsky (fondateur du Bétar et du mouvement révisionniste, ancêtre du Likoud) défile devant le Mur en arborant le drapeau sioniste. Des violences éclatent à Jérusalem et au-delà à partir du 23 août 1929. Au total, 133 juifs et 116 Arabes sont tués.

« Après le soulèvement de 1929, le gouvernement travailliste de Londres parut enclin à satisfaire les revendications palestiniennes, mais le lobby sioniste réussit à le remettre sur des rails confortablement balfouriens. Cela rendait une nouvelle insurrection inévitable. Elle éclata en 1936, sous la forme d’une révolte populaire : les rebelles se battirent avec une telle détermination qu’ils obligèrent la Grande-Bretagne à cantonner davantage de troupes en Palestine que dans le sous-continent indien. » 

À partir de 1932, l’immigration juive s’intensifie plus encore et radicalise la position arabe qui prend la forme d’une résistance organisée, notamment par le biais des « patrouilles de vigilance » (interdites par les Britanniques) qui tentent de bloquer l’immigration clandestine le long du littoral.

La révolte de 1936 commence en réalité en 1935. Elle est menée par Ezzedine al-Qassam (1882-1935) qui prône la résistance armée à partir de 1925. Il lutte contre la domination britannique et le sionisme. Il est tué en novembre 1935 par les Britanniques. Le combat de Ezzedine al-Qassam donne l’impulsion à un mouvement de révolte générale.

Le 17 avril 1936, George Antonius, un influent intellectuel arabe, explique à David Ben Gourion que les juifs doivent demeurer une minorité protégée dans l’État arabe de Palestine. « Refus de l’exécutif sioniste qui n’entend pas renoncer à la souveraineté étatique », pas plus qu’il ne renoncera au nettoyage ethnique et à la conquête de toute la Palestine.

Au printemps 1936, l’émir Abdallah propose aux dirigeants sionistes de favoriser le développement d’un « foyer juif » privé de souveraineté nationale dans son émirat de Transjordanie ; l’Agence juive refuse.

Le Haut Comité arabe, formé le 25 avril 1936 par presque tous les dirigeants des organisations palestiniennes pour représenter l’ensemble des Arabes de Palestine, lance un appel. La protestation est désormais organisée au printemps 1936. Elle commence par des mots d’ordre non violents, sur le modèle de Gandhi, par une grève de l’impôt dû aux Britanniques et des appels au boycott économique. Et très rapidement, des actions violentes sont menées : sabotage de l’oléoduc qui amène le pétrole de Kirkouk à Haïfa ; contre des chemins de fer, et des attaques menées contre des juifs à Tel-Aviv et Jérusalem à partir du 14 mai 1936. La grève cesse le 12 octobre 1936, mais les attentats, organisés tour à tour par des militants arabes et juifs, s’enchaînent dans un cycle de représailles.

Les Britanniques firent preuve d’une grande brutalité, et brisèrent la révolte au bout de trois ans. La direction palestinienne fut exilée, leurs unités paramilitaires qui combattaient le mandataire dissoutes. Ceci a beaucoup facilité la tâche aux forces juives en 1947 dans les campagnes de Palestine.

Pour la seule année 1938, 77 soldats anglais, 255 juifs et plus d’un milliers d’Arabes ont été tués.

Dans un pays où les Juifs n’avaient jamais été inquiétés, les sionistes et les Britanniques ont mis en place toutes les conditions d’une forme de guerre civile. Le projet sioniste avait pour objectif officiel de fonder un foyer paisible pour les juifs. Dans la réalité d’hier et d’aujourd’hui, c’est une entité suprémaciste, expansionniste et colonialiste qui ne pouvait pas provoquer autre chose que l’hostilité des autochtones.

Le « second Holocauste » : les États arabes ont voulu détruire l’État juif en 1948

La guerre israélo-arabe de 1948 nous est présentée par la propagande sioniste comme une agression de la Ligue des États arabes visant à détruire l’État d’Israël né le 14 mai 1948. La réalité historique est tout autre.

Le plan de partage de la Palestine fut décidé – sans consultation des Palestiniens et contre leur désir – par l’ONU le 29 novembre 1947, et les sionistes commencèrent les opérations d’épuration ethnique au début de décembre 1947, par « une série d’attaques juives contre des villages et des quartiers palestiniens, en représailles à la suite du saccage d’autobus et de commerces lors des manifestations palestiniennes contre la résolution de l’ONU au cours des quelques jours ayant suivi son adoption. Bien que sporadiques, ces premiers assauts juifs sont assez durs pour provoquer un exode important (près de 75 000 personnes) ».

L’épuration ethnique commence donc, et ouvre la voie à la guerre contre les pays arabes qui viendront à l’aide des Palestiniens. Cette guerre offrira le prétexte rêvé aux Israéliens pour accentuer l’épuration ethnique. Au mois de décembre 1947, des combattants irréguliers arabes avaient attaqués des convois juifs, mais en s’abstenant de s’en prendre à des implantations.

Le 9 janvier 1948, des unités de la première armée de volontaires panarabe entrent en Palestine, essentiellement dans les territoires que les Nations unies avaient attribués à l’État arabe. Et s’engagent dans des petites batailles avec les forces sionistes pour des routes et des implantations isolées ; et ce essentiellement dans le cadre d’une politique défensive. Ils mettent en place des lignes fortifiées pour protéger la population palestinienne. Dans certains cas, ils attaquèrent des convois et des implantations juifs. À la fin du mois de janvier, 400 colons juifs étaient morts dans ces attaques, et 1 500 du côté palestiniens. Ben Gourion les qualifiait publiquement de « victimes d’un second Holocauste ».

Les sionistes l’emportent facilement au terme de ces escarmouches et réorientent leur tactique en passant des actions de représailles aux opérations de nettoyage ethnique.

L’Agence juive déclare l’instauration en Palestine d’un État juif le 14 mai 1948 et les Britanniques partent le lendemain. Le même jour, des forces régulières arabes entrent en Palestine.

La réaction des États arabes venus défendre les Palestiniens étaient prévisible et prévue par les dirigeants sionistes. Cette guerre attendue allait servir de prétexte pour élargir les « frontières » de l’État juif en épurant ethniquement la Palestine. D’ailleurs, le nom même de cette armée arabe était Jaish al-Inqath, littéralement « Armée de sauvetage » (du verbe anqatha, « sauver d’un danger imminent »).

Les forces qui se sont affrontées durant la guerre de 1948 étaient déséquilibrées. Les forces militaires juives étaient composées d’environ 50 000 soldats, dont 30 000 étaient des combattants et les autres des auxiliaires qui vivaient dans des implantations. Ces troupes étaient appuyées par une petite aviation et une petite marine, ainsi que des unités de chars, des véhicules blindés et une artillerie lourde. Contre eux, il y avait des unités paramilitaires d’irréguliers palestiniens qui comptaient tout au plus 7 000 hommes. C’était une force de combat sans structure ni hiérarchie et dont l’équipement était loin d’égaler celui des forces juives. Elle a été rejointe en février 1948 par un millier de volontaires venus de pays arabes ; leur effectif atteindra 3 000 au cours des mois suivants.

En mai 1948, l’armée israélienne reçut une grosse cargaison de matériel militaire lourd en provenance de Tchécoslovaquie et d’Union soviétique.

À la fin de l’été, l’armée israélienne comptait 80 000 soldats, tandis que la force régulière arabe n’a pas dépassé les 50 000 hommes, et elle ne recevait plus d’armement de la part de la Grande-Bretagne, qui était son principal fournisseur.

Le discours public des dirigeants israéliens étaient catastrophistes. Ils présentaient cette guerre comme étant l’imminence d’un « second Holocauste ». La conquête territoriale et l’épuration ethnique, en 1948 comme de nos jours, sont accompagnées d’un discours victimaire pour les justifier. Or, comme le démontre Ilan Pappé, les dirigeants israéliens ne tenaient jamais ce discours en privé.

Quand, le 18 février 1948, Moshe Sharett, alors ministre des Affaires étrangères de l’État juif en devenir, écrivit à Ben Gourion : « Nous aurons seulement assez de soldats pour nous défendre, pas pour conquérir le pays », Ben Gourion lui répondit :

« Si nous recevons à temps les armes que nous avons déjà achetées, et peut-être même une partie de celles que nous ont promises les Nations unies, nous pourrons non seulement [nous] défendre mais aussi infliger des coups mortels aux Syriens dans leur propre pays – et conquérir l’ensemble de la Palestine. Je n’ai aucun doute là-dessus. Nous pouvons affronter toutes les forces arabes. Ce n’est pas une croyance mystique mais un calcul froid et rationnel fondé sur l’examen des réalités concrètes. »

L’État juif a conquis, au terme de la guerre en janvier 1949, 23 % de la Palestine, en plus des 55 % (alors que les juifs ne représentaient qu’un tiers de la population totale) que lui a octroyé l’ONU le 29 novembre 1947, soit 78 % de la Palestine. Ce « second Holocauste » a également permis l’expulsion de plus de 750.000 Palestiniens de leur terre. « La moitié de la population indigène qui vivait en Palestine a été chassée, la moitié de ses villes et villages ont été détruits, et seuls un tout petit nombre d’expulsés ont réussi à revenir. » 

Youssef Hindi. 

(Source : E&R)