samedi 5 octobre 2024

"Israël commet bien un génocide à Gaza"


"Gallagher Fenwick : à la fin il admet que c'est un génocide à gaza. Il parle de l'historien Omer Bartov..." L'œil Medias




Diplômé de l'université de Berkeley, Gallagher Fenwick est grand reporter. Ancien directeur de la rédaction anglophone de France 24, il a couvert de nombreux conflits, et fut notamment correspondant à Washington DC, de juin 2015 à décembre 2017, et à Jérusalem de 2010 à 2015.

Omer Bartov est un historien juif israélien-américain, professeur d'Université aux États-Unis, spécialiste reconnu de la Seconde guerre mondiale et de la Shoah, qui a servi dans l'armée israélienne. Selon lui, Israël commet bien un génocide à Gaza.

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OMER BARTOV : "Ce qui se passe à Gaza est bien un génocide."


Basta média :

Omer Bartov est un observateur attentif de la situation en Israël et dans les territoires palestiniens occupés. Cet historien, spécialiste du génocide juif et de l’armée allemande pendant la seconde guerre mondiale, avait dès le 10 novembre 2023 dans le New York Times, indiqué que sa « plus grande préoccupation, à observer la guerre Israël-Gaza, est qu’il y a une intention génocidaire qui peut facilement basculer dans l’action génocidaire ». Près de 9 mois plus tard, dans le Guardian, il affirme désormais qu’il n’est « plus possible de nier qu’Israël est engagé dans des crimes de guerre systématiques, des crimes contre l’humanité et des actions génocidaires ». [...]

Omer Bartov : Lorsque l’armée israélienne a décidé d’envahir également Rafah [située tout au sud de la bande de Gaza, à la frontière avec l’Égypte, ndlr], en mai 2024, elle l’a fait contre l’avis des Américains qui ont averti que la ville comptait plus d’un million de personnes. L’armée israélienne a indiqué qu’elle allait évacuer la ville. Et c’est ce qu’elle a fait. Elle a déplacé un grand nombre de personnes de Rafah vers la plage.

Cette bataille de Rafah m’est apparue comme un tournant et l’aboutissement d’un processus cumulatif, au cours duquel l’armée israélienne, sous la direction du gouvernement du pays, s’est engagée depuis le tout début de la guerre dans une destruction systématique et intentionnelle des résidences, des universités, des hôpitaux, des écoles, des mosquées... À cela s’ajoutent les morts accidentelles ou délibérées dans la population gazaouie et le déplacement répété de la population, avec pour résultat que la population a été progressivement affaiblie par ces déplacements sans but, sans aucune infrastructure réelle pour survivre. Il semble donc que le but ultime d’Israël est de rendre Gaza de plus en plus inhabitable pour la population.

Ces actions répondent à l’un des points de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, qui indique qu’un génocide consiste entre autres à rendre l’existence impossible pour ce groupe en tant que tel. Plus précisément, dans l’article 2, section c, la convention de 1948 indique que le génocide s’entend notamment comme « la soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ». [...]

Poser la question du génocide à Gaza, c’est aussi aborder la question de la complicité de l’Occident avec ce génocide. Cette question est surtout portée dans les pays du Sud...

Omer Bartov : Les États-Unis fournissent environ 80 % des systèmes d’armes utilisés par Israël. Israël est un énorme importateur d’armes et de technologies militaires. C’est également un exportateur de ces mêmes technologies. D’autres pays sont engagés dans l’approvisionnement d’Israël : l’Allemagne, la France, la Grande-Bretagne, l’Italie, l’Espagne, les Pays-Bas. Certains d’entre eux, notamment l’Espagne, les Pays-Bas et maintenant, dans une certaine mesure, la Grande-Bretagne, ont commencé à restreindre ou à arrêter complètement les livraisons d’armes à Israël.

Le principal fournisseur d’armes d’Israël, outre les États-Unis, est l’Allemagne. Officiellement, mais seulement officiellement, l’Allemagne n’a pas limité ses livraisons. Selon certaines informations, il existerait de fait des restrictions officieuses sur les livraisons allemandes.

La Cour internationale de justice et la Cour pénale internationale enquêtent sur Israël pour des faits de violations graves du droit humanitaire international. Or les lois des pays fournisseurs, tenus par le droit international, ne leur permettent pas, en théorie, de fournir des armes à des pays qui violent ce même droit. Mais tant que ces pays fourniront des armes à Israël et tant qu’ils ne s’y opposeront pas politiquement, alors oui, ils seront manifestement complices.

D’autant que le Sud global, avec le cas le plus notable des actions devant la Cour internationale de justice (CIJ) de l’Afrique du Sud, dénonce cette guerre. Cette requête devant la CIJ, aura des répercussions significatives. Mais pour ce Sud global, Israël est plus, je dirais, un prétexte. En effet, le Sud global essaye d’affirmer son indépendance par rapport au Nord, de tracer sa propre voie politique. Quoi qu’il en soit, la saisine de la CIJ était la bonne chose à faire parce qu’Israël bénéficie de l’impunité pour ses actions à Gaza. Une réalité qui est évidemment catastrophique pour les Palestiniens et, je le pense vraiment, également dangereuse pour les intérêts israéliens eux-mêmes.