“C’est un génocide”
Merci, David Grossman. Tu as mis 22 mois, plus de 60 000 morts, des enfants brûlés vifs, des tentes de réfugiés effacées de la carte et des hôpitaux transformés en morgues, pour enfin dire ce que chaque Palestinien crie à s’en arracher la gorge. Mais voilà qu’on applaudit ton “courage”. On s’émerveille de ta “lucidité”. Tu pleures “le cœur brisé” mais ce cœur, il s’est brisé où ? Certainement pas à Deir Yassine. Pas à Sabra. Pas à Khan Younès. Pas à Gaza en 2008. Ni en 2014. Ni en mai 2021. Tu t’es réveillé après l’irréparable, comme si ta voix, soudain, réparait quoi que ce soit. Et bien sûr, tu dis : “Tout a basculé en 1967.” Comme si les bulldozers de Yaffa n’avaient jamais hurlé. Comme si Haïfa n’avait pas été vidée.
Comme si nos maisons ne portaient pas encore les clés rouillées de 1948. Comme si l’horreur était arrivée un jour de juin, et pas en 1947, ou 1917, ou dans chaque bureau d’état civil qui efface nos noms.
Non, ce n’est pas l’occupation de 1967 qui a “corrompu” Israël.
C’est le projet lui-même. Un projet bâti sur notre absence, sur notre effacement, sur notre dépossession, sur notre nettoyage ethnique. L’État israélien n’est pas tombé dans la “tentation du pouvoir absolu”. Il est né avec cette tentation. Il s’est construit sur l’idée que nous n’existons pas, que nous sommes un obstacle, une poussière à balayer, des noms trop longs pour les cartes d’identité.
Alors non, tu n’as pas “tout fait” pour éviter ce mot. Tu as fait exactement ce que fait ce régime depuis 77 ans : tu as regardé ailleurs. Tu as parlé de paix quand on parlait de survie. Tu as brandi l’humanisme quand on enterrait nos enfants.
Et maintenant que le sang déborde les écrans, tu veux parler “comme un homme brisé”, au nom d’un “socle commun”, au nom de l’humanité retrouvée ? Non. Nous ne bâtirons rien sur des silences aussi épais. Nous n’avons pas besoin de ton réveil, David.
Nous avons besoin que ce système tombe.
De l’apartheid, pas d’excuses.
De l’occupation, pas de poèmes.
De la colonisation, pas de soupirs.