dimanche 31 août 2025

À Jéricho, le monastère de Saint-Gérasime sous pression des colons israéliens





Au cœur du désert de Judée, un des plus anciens monastères chrétiens est aujourd’hui menacé par l’expansion des colonies israéliennes. 

Début août, un avant-poste israélien a été érigé sur les terres du monastère grec orthodoxe de Saint-Gérasime, situé à quelques kilomètres de Jéricho, faisant planer une nouvelle menace sur la présence chrétienne en Terre Sainte.

Situé au nord de la mer Morte, il s’agit d’un des plus anciens monastères du désert de Judée. Il a été construit en 455 par saint Gérasime, ermite et grande figure du monachisme palestinien qui avait établi sa « laure » dans le wadi voisin. Ses moines grecs, héritiers d’une tradition vieille de plus de quinze siècles, y entretiennent la prière au cœur du désert. Le lieu incarne donc la continuité vivante de la foi chrétienne en Terre Sainte.

Pourtant, les terres qui entourent ce sanctuaire sont désormais convoitées. À une centaine de mètres du monastère se dresse déjà la colonie de Machana Nevo, composée d’une quarantaine de maisons préfabriquées. L’implantation récente d’un nouvel avant-poste, signalé par un drapeau israélien, marque une nouvelle étape dans la pression foncière exercée autour du monastère.

Le monastère se trouve en zone C de Cisjordanie, sous contrôle civil et militaire israélien. Cette zone, où vivent de nombreux Palestiniens et où se trouvent des sites chrétiens majeurs, est au cœur de la politique de colonisation. Selon l’ONG israélienne Peace Now, l’extension des colonies a connu un essor inédit depuis 2023, encouragé par certains membres du gouvernement israélien qui affirment vouloir « enterrer l’idée d’un État palestinien ».

Dans la région de Jéricho, au moins cinq avant-postes ont été établis ces derniers mois. Leur objectif est clair : quadriller le territoire, fragmenter l’espace et rendre impossible tout développement local. Les monastères, pourtant protégés par leur statut historique, se retrouvent progressivement encerclés. L’accès au monastère Saint-Georges de Choziba, voisin de Saint-Gérasime, a déjà été entravé par des barrières installées par les colons.

Face à cette situation, la Grèce, très attachée à ses biens ecclésiastiques en Terre Sainte, a réagi. Une réunion de haut niveau s’est tenue à Athènes afin d’examiner les mesures diplomatiques à entreprendre. Si la Grèce ne peut infléchir la politique globale de colonisation, elle cherche à mobiliser ses canaux diplomatiques pour préserver les propriétés de l’Église orthodoxe.

Dans un communiqué, le ministère grec des Affaires étrangères a exprimé sa « vive préoccupation » devant ce qui constitue, selon lui, une atteinte aux droits des communautés chrétiennes locales et au patrimoine spirituel universel.

Cette affaire met en lumière une réalité trop souvent passée sous silence : la présence chrétienne en Terre Sainte se réduit sous la pression combinée de l’exode, des violences et de la confiscation des terres. Chaque avancée coloniale fragilise un peu plus ces communautés qui, bien qu’ancrées depuis les origines du christianisme, se trouvent de plus en plus marginalisées sur la terre de leurs ancêtres.

Au-delà du cas du monastère Saint-Gérasime, c’est tout l’équilibre de la région qui est en jeu. L’avenir des chrétiens d’Orient, en Terre Sainte comme ailleurs, dépend de la capacité à défendre leurs lieux de vie, de prière et de mémoire contre les logiques d’expansion et d’appropriation.