mardi 17 décembre 2024

Une attraction israélienne, le spectacle du génocide des Palestiniens



Dans la ville de Sderot, juste à la frontière avec Gaza, les Israéliens se rassemblent chaque jour sur des « plateformes d'observation » pour assister au génocide en cours à quelques kilomètres de là.

L'utilisation d'un télescope fixe pour mieux voir le massacre ne coûte que 5 shekels. "Carte de crédit uniquement, s'il vous plaît."



"Il y a en Israël un effondrement de l'empathie, un sentiment politique unique qui est celui de la cruauté, avec une sémantique de l’État qui entretient cette culture de l'ennemi." Sylvaine Bulle, sociologue.

Sur la plate-forme d’observation de Sderot, en Israël, surplombant Gaza, un Américain est choqué par "l'horrible et grotesque" manque d'empathie des élèves israéliens venus observer le génocide des Palestiniens :

"Une sortie scolaire, arrivée à cet endroit après deux heures de route pour assister au massacre de masse depuis cette plate-forme, a été un choc qui m’a bouleversé. 

La première vague de garçons a fait les « premières » de célébration avec doigt d’honneur en voyant Gaza.

Mais n'observant pas d’avions de guerre ou de drones, les écoliers et les autres spectateurs du génocide, qui ont mis de l’argent dans les télescopes, sont repartis déçus car ils n’ont vu ni bombes ni missiles, ni tirs d’artillerie ou de chars : 

- Il n’y avait pas d’onde de choc provenant de démolitions contrôlées pour les satisfaire. 

- Le nombre de colonnes de fumée provenant des maisons et des écoles en flammes et cratérisées n'était qu'à un chiffre. 

- Les incendies n'étaient pas assez forts pour être sentis. 

Tout cela était décevant, il n’y avait pas grand-chose dont on puisse se vanter ou se réjouir dans le bus scolaire pendant le trajet de retour à la maison. C’était trop calme à leur goût. 

Il est vrai que les cris de ceux qui sont ensevelis sous les décombres n’atteignent pas la plate-forme d’observation. 

Aucun corps déchiqueté n’était visible, aucune lumière du soleil ne se reflétait dans les flaques de sang, et aucune bande de vêtements accrochée aux os exposés ne flottait dans le vent fort.

Nous étions aussi proches que possible, mais tellement séparés et tellement à l’abri de tout cela. C’était hygiénique, aseptisé, pittoresque...

Je me sentais voyeur, touriste, spectateur. J’éprouvais du dégoût et de l’incrédulité. Et je ressentais un vide en moi que je ne pouvais pas exprimer.

J'étais si proche de la destruction de 2,2 millions de personnes et ne pouvais pas trouver les mots pour exprimer mes sentiments."

D'après le témoignage de Matthew Hoh, vétéran du Corps des Marines, directeur associé du Eisenhower Media Network, Veterans For Peace.




"Sderot a été construite sur les ruines du village palestinien de Huj, qui cachait les Juifs de la Haganah aux Britanniques. Un an plus tard, les mêmes paramilitaires ont expulsé brutalement tous les Palestiniens et rasé le village. Ses véritables habitants ont été effacés des cartes et des mémoires..." Ania Lewandovska.

Quand « Sderot » s’appelait « Huj » et « Najd »

Les habitants de Huj étaient tous des musulmans arabes palestiniens et, comble de l’ironie, ils n’étaient pas en si mauvais termes avec les juifs de Palestine. Nous devons remercier l’historien israélien Benny Morris pour rappelé leur histoire, qui est aussi sinistre que pleine de souffrances.

Le jour où Huj a rencontré son destin fut le 31 mai 1948, quand le 7e bataillon de la brigade israélienne du Negev, faisant face à une armée égyptienne qui avançait, est arrivé dans le village. Selon les propres mots de Morris, « la brigade a expulsé les villageois de Huj… vers la Bande de Gaza ».

Curieux remerciements

Morris poursuit : « Huj avait traditionnellement été amical ; en 1946, ses habitants avaient caché des hommes de la Haganah d’une descente de police des Britannique. À la mi-décembre de 1947, lors d’une visite dans Gaza, le mukhtar de Huj (le maire) et son frère avaient été tués par une foule en colère qui les accusait de ’collaboration’. Mais fin mai, alors qu’une colonne égyptienne s’approchait, la brigade du Negev a décidé d’expulser les habitants - puis elle a pillé et fait sauter leurs maisons. »

Ainsi les habitants de Huj avaient aidé l’armée juive de la Haganah à échapper aux Anglais - et les seuls remerciements qu’ils ont obtenus, c’est d’être expulsés vers Gaza pour y devenir des réfugiés... Selon Morris, dans les trois mois qui ont suivi, les trois chefs des kibbutzim juifs les plus proches ont même porté plainte devant le Premier ministre israélien David Ben Gourion, au sujet du traitement infligé à leurs anciens voisins. Celui-ci écrivit en retour : « J’espère que le Quartier Général prêtera attention à ce que vous dites, et évitera de telles actions injustes et injustifiées à l’avenir, et qu’il réglera ces choses en ce qui concerne le passé, pour autant que possible. » Mais Ben Gourion n’a jamais ordonné à la nouvelle armée israélienne de permettre aux habitants de Huj de rentrer chez eux.

Le mois suivant, les mêmes sont à nouveau intervenus pour que ce retour soit autorisé. Le Département israélien des Affaires des Minorités a alors noté que les villageois méritaient un traitement spécial puisqu’ils avaient été « loyaux », mais l’armée israélienne décida qu’ils ne reviendraient pas. Par conséquent les Palestiniens de Huj n’ont pu que rester dans la bande de Gaza où leurs descendants vivent toujours sous le statut de réfugiés.

Mais le Sderot d’aujourd’hui, écrit l’historien Palestinien Walid Khalidi, fut construit aussi sur des terres arables appartenant à un autre village arabe palestinien appelé Najd, ses 422 habitants musulmans vivant dans 82 maisons. Ils faisaient pousser des agrumes et des bananiers, et cultivaient des céréales. Ils ont partagé le même destin que les gens de Huj. Les 12 et 13 mai 1948, la Brigade israélienne du Negev - toujours selon Morris - les a expulsés. Eux aussi ont été envoyés en exil à Gaza. C’est ainsi que s’est déroulée la purification ethnique de la Palestine, comme un autre historien israélien, Illan Pappé, l’appelle crument. L’expulsion du peuple qui a cultivé la terre sur laquelle Sderot serait construit...