Pour la sortie de son ouvrage, "Comment la terre d'Israël fut inventée", l'historien israélien Shlomo Sand, poursuit son travail critique sur le sionisme.
« L’idée de terre promise n’existe pas dans l’histoire du judaïsme »
Shlomo Sand :
"En tant que citoyen israélien, je trouve absurde que quelqu'un qui était sur une terre il y a deux mille ans puisse prétendre avoir des droits historiques sur cette même terre. Ou alors il faudrait faire sortir tous les Blancs des Etats-Unis, faire rentrer les Arabes en Espagne. non, il n'y a pas de droit historique des Juifs sur la terre de Palestine, qu'ils soient de Jérusalem ou d'ailleurs. [...]
Il était plus logique de créer un Etat juif en Europe. Les Palestiniens n'étaient pas coupables de ce que les Européens ont fait. Si quelqu'un avait dû payer le prix de la tragédie, ça aurait dû être les Européens, et évidemment les Allemands. Mais pas les Palestiniens. Par ailleurs, le partage n'était pas équitable. Les Arabes étaient 1,3 million et les Juifs 630.000, or, la terre a été divisée moitié-moitié. Aujourd'hui, les Palestiniens ont moins de 22% du territoire. [...]
Je n'ai donc jamais reçu comme allant de soi l'idée de « droits historiques des juifs sur la terre promise ». Devenu étudiant, et ayant appris la chronologie historique de l'humanité depuis l'invention de l'écrit, le retour des juifs après plus de mille huit cents ans m'est apparu comme un saut imaginaire dans le temps, dépourvu de tout fondement chronologique rationnel. Je ne voyais là aucune différence de principe avec les mythes qui avaient animé les colons chrétiens puritains en Amérique du Nord ou en Afrique du Sud : ils se représentaient la nouvelle terre conquise comme « un pays de Canaan » donné par Dieu aux authentiques fils d'Israël.
Le mythe du peuple juif errant, exilé de sa patrie depuis deux mille ans et aspirant à y revenir à la première occasion, était porteur d'une logique effective bien que reposant entièrement sur des fictions historiques : la Bible n'est pas plus un texte patriotique que l'Iliade et l'Odyssée ne sont des œuvres de théologie monothéiste. Les paysans habitant le pays de Canaan n'avaient pas de patrie politique pour la bonne raison que de telles patries n'existaient pas, dans l'Antiquité, au Moyen-Orient."
"En tant que citoyen israélien, je trouve absurde que quelqu'un qui était sur une terre il y a deux mille ans puisse prétendre avoir des droits historiques sur cette même terre. Ou alors il faudrait faire sortir tous les Blancs des Etats-Unis, faire rentrer les Arabes en Espagne. non, il n'y a pas de droit historique des Juifs sur la terre de Palestine, qu'ils soient de Jérusalem ou d'ailleurs. [...]
J'en ai déduit que le « retour sioniste » était essentiellement une invention utile, destinée à susciter la sympathie du monde occidental, et plus particulièrement chrétien protestant, lui-même précurseur dans la formulation de l'idée, lorsqu'il s'est agi de justifier la nouvelle entreprise coloniale. La logique nationaliste inhérente à cette entreprise devait obligatoirement porter atteinte à la population « indigène ». En effet, les immigrants sionistes ne débarquaient pas à Jaffa dans le même état d'esprit que les juifs persécutés arrivant à Londres ou à New York, qui n'aspiraient qu'à s'intégrer en toute égalité avec leurs voisins. Les sionistes, en revanche, arrivaient avec d'emblée en tête l'idée de créer en Palestine un État juif souverain, sur un territoire dont la majorité absolue des habitants était arabe. Mener jusqu'à son terme une telle entreprise de colonisation, à caractère national, impliquait obligatoirement qu'une partie notable de la population autochtone soit repoussée hors de l'espace revendiqué.
Comme on l'aura compris, après toutes ces années d'étude de l'histoire, je ne pense pas aujourd'hui qu'ait jamais existé un peuple juif qui aurait été exilé de sa terre et dont l'origine se situerait sur l'antique terre de Judée. [...]
Le mythe du peuple juif errant, exilé de sa patrie depuis deux mille ans et aspirant à y revenir à la première occasion, était porteur d'une logique effective bien que reposant entièrement sur des fictions historiques : la Bible n'est pas plus un texte patriotique que l'Iliade et l'Odyssée ne sont des œuvres de théologie monothéiste. Les paysans habitant le pays de Canaan n'avaient pas de patrie politique pour la bonne raison que de telles patries n'existaient pas, dans l'Antiquité, au Moyen-Orient."