jeudi 25 décembre 2025

Vers la sionisation intégrale du christianisme ?




Urgence du révisionnisme biblique


Tucker Carlson a déclaré la guerre aux chrétiens sionistes qui répètent bêtement que la Bible leur commande de soutenir Israël (un des pasteurs invités à Jérusalem ce mois-ci a même déclaré qu’Israël est la preuve de l’existence de Dieu). Carlson qualifie l’idée selon laquelle « Dieu préfère certaines personnes en fonction de son ADN » de « plus ancienne hérésie chrétienne », car « le fondement même du christianisme est que cela n’est plus vrai » (it’s no longer true). Dire cela, c’est implicitement reconnaître que « cela était vrai autrefois ». Sur ce point, chrétiens sionistes et chrétiens antisionistes sont d’accord. L’histoire d’Israël écrite par Israël dans l’Ancien Testament dit que Dieu a choisi la lignée de Jacob. On parle bien d’ADN choisi par Dieu. Cela ne fait pas débat.

C’est là tout le dilemme du christianisme. Et c’est la principale raison pour laquelle je ne me considère plus comme chrétien. Je rejette absolument de croire que les Juifs (Judéens, Israélites, Hébreux, peu m’importe) ont été choisi par Dieu, hier, aujourd’hui ou demain. L’État d’Israël actuel, cette organisation mafieuse, terroriste et génocidaire, se sert de son histoire biblique pour justifier non seulement son existence, mais son mépris du droit international. Il est urgent de remettre en question cette histoire qui fait des Juifs les chéris de Dieu et les éternelles victimes du reste du monde : appelons cela le révisionnisme biblique.

On m’objecte qu’il ne faut pas saper les fondements du christianisme. Mais du révisionnisme biblique ou du christianisme, lequel est le plus nécessaire au salut du monde ? Ma réponse est que le révisionnisme biblique est infiniment plus important : l’Occident peut survivre sans le christianisme, mais il ne pourra pas survivre sans le révisionnisme biblique. Pourquoi ? Parce qu’Israël est un monstre qui ne pourra être vaincu que si l’on s’attaque à la source ultime de son pouvoir : son narratif biblique. Le christianisme soutient ce narratif biblique. Le christianisme fait donc partie du problème et non de la solution.

Voilà la logique qui motive mon travail de réflexion et d’écriture sur ce sujet, entamé avec mon livre "Du yahvisme au sionisme", toujours disponible chez Kontre Kulture. En complément, je m’efforce de montrer pourquoi l’Occident n’a pas besoin du christianisme, et ferait mieux de revenir aux sources helléno-romaines de son génie, comme il l’a fait à la Renaissance (mon article « Le génie helléno-romain de la Renaissance »). Il y a dans cet héritage tout ce dont nous avons besoin comme ressources spirituelles et outillage religieux.

Qui rend témoignage à qui ?

Tandis que, sous Théodose Ier et ses fils, le christianisme devenait la religion officielle et obligatoire de l’Empire romain, et que tous les cultes traditionnels étaient interdits, les temples expropriés ou détruits, une seule religion non chrétienne restait légale : le judaïsme, soit la religion tenue pour responsable de la mort du Christ. Étrange situation ! Augustin la justifiait par sa « théorie du peuple témoin » :

"Les Juifs qui l’ont tué et qui ont refusé de croire en lui [...] ont été dispersés dans le monde entier [...] et ainsi, par le témoignage de leurs propres Écritures, ils témoignent pour nous que nous n’avons pas inventé les prophéties concernant le Christ [...] Il s’ensuit que lorsque les Juifs ne croient pas en nos Écritures, leurs propres Écritures s’accomplissent en eux, alors qu’ils les lisent les yeux fermés. [...] C’est afin de rendre ce témoignage qui, malgré eux, nous est fourni par leur possession et leur conservation de ces livres, qu’ils sont eux-mêmes dispersés parmi toutes les nations, partout où l’Église chrétienne se répand." (La Cité de Dieu xviii, 46)

Comme Caïn qui a assassiné son frère Abel, dit encore Augustin, les Juifs sont sous la protection de Dieu, qui promet une vengeance septuple à leurs meurtriers. Ainsi, jusqu’à la fin des temps, « la préservation continue des Juifs sera une preuve pour les chrétiens croyants de la soumission méritée par ceux qui, dans l’orgueil de leur royaume, ont mis le Seigneur à mort » (xii,12) [1].

La « théorie du témoignage » d’Augustin est alambiquée. L’argument selon lequel les Écritures juives témoignent de la vérité du christianisme est discutable mais compréhensible. Mais en quoi la persistance du peuple juif rend-elle témoignage de la vérité chrétienne, alors que le peuple juif rejette cette vérité sur la base de ses Écritures ? La disparition des Juifs en tant que nation ne serait-elle pas une meilleure preuve que Dieu a transféré sa providence vers le « Nouvel Israël » ?

Il faut savoir qu’Augustin a reçu une formation de sophiste. Ce qu’il fait ici, c’est obscurcir l’évidente réalité inverse : c’est le christianisme qui rend un témoignage en faveur de la prétention extravagante des Juifs d’avoir été choisis par Dieu comme instrument du salut du monde. Aucun Romain instruit n’avait jamais pris cette prétention au sérieux avant que le christianisme ne la cautionne. Que les Juifs, par leur simple existence, témoignent de la vérité du christianisme est une affirmation pour le moins contestable. En revanche, que les chrétiens témoignent de la vérité du judaïsme biblique est plus qu’incontestable : c’est une prémisse du christianisme, toutes confessions confondues. Christ signifie Messie et présuppose le rôle spécial d’Israël dans la dispensation divine. Ainsi, alors que les Juifs disent aux chrétiens qu’ils ont tort, les chrétiens disent aux Juifs qu’ils avaient raison.

L’ascension du pouvoir juif sous la chrétienté : démonstration

Le peuple juif a donc continué son existence en tant que nation dispersée dans tout le monde romain, au milieu de l’hostilité chrétienne mais sous la protection du gouvernement, dans un isolement relatif par rapport à la société chrétienne.

Sous ce régime, sa démographie a connu l’une des plus formidables croissances en Europe. Les lois interdisant aux chrétiens d’épouser des Juifs ou même de manger à leur table (Concile d’Elvira au début du IVe siècle) ont renforcé l’identité et la cohésion juives, car l’endogamie et la pureté rituelle sont les commandements les plus importants de la Torah.

Réciproquement, l’hostilité des Juifs envers le Christ et le christianisme s’est inscrite dans le judaïsme rabbinique. Le grand érudit juif Jacob Neusner va jusqu’à affirmer que « le judaïsme tel que nous le connaissons est né de la rencontre avec le christianisme triomphant » (« rencontre » est un euphémisme) [2].

L’antagonisme entre les deux seules religions légales au sein de la chrétienté est devenu une partie intégrante de l’une comme de l’autre, et constitue un principe structurant de la chrétienté durant toute son histoire. Remarquons bien que jusqu’à la Révolution française, le judaïsme avait droit de cité en Occident, mais pas l’islam.

Par conséquent, la chrétienté mérite pleinement d’être qualifiée de judéo-chrétienne dans le sens où le judaïsme et le christianisme étaient les deux seules religions légales et existaient dans une opposition dialectique nécessaire aux deux : les juifs étaient le « peuple témoin » pour les chrétiens, et les chrétiens le peuple témoin pour les Juifs, en plus d’être le nouveau visage d’Haman.

Le baptême forcé des Juifs était théoriquement interdit, bien qu’il ait eu lieu en temps de crise. Gratian de Bologne, dans son recueil de droit canonique compilé dans les années 1140 (le Decretum), cite une lettre du pape Grégoire le Grand (590-604) et un décret du quatrième concile de Tolède (633), confirmant que les Juifs ne devaient pas être convertis de force, mais seulement persuadés « par des moyens doux plutôt que par des moyens durs, de peur que l’adversité n’aliène l’esprit de ceux qu’un argument raisonnable aurait pu attirer » [3]. Contrairement à la christianisation forcée et massive des païens aux IVe et Ve siècles, la conversion des Juifs ne devait pas être forcée (en théorie tout au moins).

Contrairement aux hérétiques chrétiens, les Juifs n’ont jamais été pourchassés par l’Inquisition, ni torturés ou brûlés sur le bûcher, à moins d’être soupçonnés de « judaïser » après avoir reçu le baptême. Cela arrivait inévitablement, car les Juifs qui se convertissaient (généralement pour éviter l’exil forcé) devaient cesser d’être juifs, mais pas de lire leur Bible. Ils conservaient l’essentiel de leur judaïsme, tout en étant libérés de toutes les restrictions imposées à leurs frères non convertis. Tout naturellement, certains, comme l’évêque de Burgos Alonso Cartagena (1384-1456), fils du grand rabbin de la même ville, estimaient qu’un juif converti était un meilleur chrétien, car il ne s’était pas vraiment converti, mais avait plutôt approfondi sa foi juive [4]. À notre époque encore, si l’on prend comme exemple l’archevêque de Paris Jean-Marie Lustiger, on peut dire que la conversion d’un juif au christianisme était généralement une demi-conversion.

La sanctification chrétienne du Tanakh juif a découragé les Juifs de toute remise en question de leurs Écritures, et les a en fait empêché de se libérer de leur conditionnement mental. Tout Juif qui rejetait l’inspiration divine de la Torah était non seulement banni de sa communauté juive, mais ne trouvait aucun refuge parmi les chrétiens : c’est ce qui est arrivé à Baruch Spinoza et à beaucoup d’autres. Les chrétiens ont prié pour que les Juifs ouvrent leur cœur au Christ, mais ils n’ont rien fait pour les libérer de Yahveh.

Jean Chrysostome (vers 346-407), le théologien grec le plus influent de son époque, a proposé une explication ridiculement absurde du comportement sociopathique des Juifs :

"Il n’y a rien de plus misérable que ces gens qui n’ont jamais manqué d’attaquer leur propre salut. Quand il fallait observer la Loi, ils la foulaient aux pieds. Maintenant que la Loi a cessé d’être contraignante, ils s’efforcent obstinément de l’observer. Qu’y a-t-il de plus pitoyable que ceux qui provoquent Dieu non seulement en transgressant la Loi, mais aussi en la respectant ?" (Première homélie contre les Juifs ii, 3)

Quelle confusion ! D’un côté, on dit aux Juifs que leur Yahveh est le vrai Dieu et que leur Bible est sainte, mais de l’autre, on les critique pour des comportements qu’ils ont précisément appris de Yahveh et de la Bible. On les accuse de comploter pour dominer le monde, alors que c’est précisément la promesse que Yahveh leur a faite : « Yahveh ton Dieu t’élèvera au-dessus de toutes les nations du monde » (Deutéronome 28:1). Ils sont considérés comme méprisant les autres nationalités, mais c’est leur dieu qui leur a appris cela : « Toutes les nations sont comme rien devant lui, elles ne sont pour lui que néant et vide. » (Isaïe 40:17) On leur reproche leur matérialisme et leur cupidité, mais là encore, ils imitent Yahveh, qui ne rêve que de pillage : « Je secouerai toutes les nations, et les trésors de toutes les nations afflueront » (Aggée 2:7). Par-dessus tout, ils sont réprimandés pour leur séparatisme, bien que ce soit là l’essence même du message que Yahveh leur adresse : « Je vous distinguerai de tous les peuples, afin que vous soyez à moi. » (Lévitique 20:26)

En raison de la sanctification de l’Ancien Testament, les chrétiens considéraient les Juifs comme une race métaphysiquement supérieure et le judaïsme comme la religion originelle de Dieu. Avant Jésus, Dieu avait parlé aux Juifs et à eux seuls. Le dieu d’Israël est Dieu, les autres dieux sont des démons. Le christianisme accordait ainsi aux Juifs un pouvoir symbolique considérable. Le même Jean Chrysostome se plaignait que de nombreux chrétiens « se joignent aux Juifs pour célébrer leurs fêtes et observer leurs jeûnes » (Première homélie i,5).

"N’est-il pas étrange que ceux qui vénèrent le Crucifié célèbrent des fêtes communes avec ceux qui l’ont crucifié ? N’est-ce pas un signe de folie et de la pire des démence ? [...] Car lorsqu’ils voient que vous, qui vénérez le Christ qu’ils ont crucifié, suivez avec révérence leurs rituels, comment peuvent-ils ne pas penser que les rites qu’ils ont accomplis sont les meilleurs et que nos cérémonies sont sans valeur ?" (Première homélie v,1-7).

À la grande horreur de Chrysostome, certains chrétiens se font même circoncire. « Ne me dites pas, les avertit-il, que la circoncision n’est qu’un simple commandement ; c’est précisément ce commandement qui vous impose tout le joug de la Loi. » (Deuxième homélie ii,4)

Alors que les Romains avant Constantin se moquaient de la prétention délirante des Juifs à l’élection divine, le christianisme a appris aux Gentils à accepter cette prétention. Alors que les Romains avaient interdit la circoncision des nouveau-nés, la Chrétienté l’autorisa aux Juifs.

Le pouvoir symbolique accordé aux Juifs leur facilitait d’autres formes de pouvoir. Il y a eu des périodes où le lobby juif exerçait une grande influence culturelle, économique et même politique. Au milieu du IXe siècle, l’évêque de Lyon Agobard se plaignait à l’empereur Louis le Pieux, fils de Charlemagne, que les Juifs produisaient « des ordonnances signées de votre nom et scellées d’un sceau d’or » leur garantissant des avantages scandaleux, et que les envoyés de l’empereur étaient « terribles envers les chrétiens et doux envers les Juifs » (Sur l’insolence des Juifs). Agobard se plaint même d’un édit impérial imposant le dimanche plutôt que le samedi comme jour de marché afin de plaire aux Juifs. Dans une autre lettre, il se plaint d’un édit interdisant à quiconque de baptiser les esclaves des Juifs sans la permission de leurs maîtres. Louis le Pieux aurait été sous l’influence de sa femme Judith, un nom qui se traduit par « Juive ». Elle était si amicale envers les Juifs que l’historien juif Heinrich Graetz émet l’hypothèse qu’elle était secrètement juive, à l’instar d’Esther dans la Bible. Les Juifs étaient si estimés que Bodo, un diacre franc à la cour de Louis le Pieux, se convertit au judaïsme [5].

Certes, au cours des siècles suivants, les Juifs furent expulsés d’un royaume chrétien après l’autre. Mais les expulsions juives ne contredisent pas l’influence juive. Au contraire, elles étaient liées comme un effet à sa cause. Chacune de ces expulsions était une réaction à une situation inconnue dans l’Antiquité préchrétienne : les communautés juives acquéraient un pouvoir économique démesuré, sous la protection d’une administration royale (les Juifs servaient de percepteurs d’impôts et de prêteurs aux rois en temps de guerre), jusqu’à ce que ce pouvoir économique, source de pouvoir politique et social, atteigne un point de saturation, provoque des pogroms et oblige le roi à prendre des mesures. Les Juifs d’Angleterre, par exemple, d’abord amenés comme administrateurs et usuriers par Guillaume de Normandie, étaient devenus très riches et influents au XIIe siècle, l’un d’entre eux en particulier, Aaron de Lincoln, étant « peut-être l’homme le plus riche d’Angleterre », jusqu’à ce que le roi Édouard Ier, ne parvenant pas à les forcer à renoncer à l’usure, les expulse en 1290 [6]. Les Juifs revinrent en force au XVIIe siècle, d’abord sous le nom de Marranes, lorsque, selon l’historien juif Cecil Roth, « le puritanisme représenta avant tout un retour à la Bible, ce qui favorisa automatiquement un état d’esprit plus favorable envers le peuple de l’Ancien Testament » [7].

Parce que cela est écrit sous leur nez dans leur livre saint, les chrétiens n’ont jamais pris conscience que le contrat mosaïque n’est rien d’autre qu’un programme de domination mondiale par la nation juive, présenté frauduleusement comme une licence divine pour voler et assassiner. La vulnérabilité des sociétés chrétiennes face au pouvoir juif est directement liée à cette cécité que leur inflige l’Église. En 1236, le pape Grégoire IX a publiquement condamné le Talmud comme « la cause première qui maintient les Juifs obstinés dans leur perfidie », comme nous le rappelle E. Michael Jones [8]. Le Talmud a donc été brûlé. Mais le Talmud n’est rien d’autre qu’une série de commentaires sur le Tanakh. De nombreux chrétiens continuent de blâmer le Talmud pour la misanthropie juive, alors que le Talmud n’a que très peu d’influence aujourd’hui en dehors des cercles orthodoxes juifs. D’ailleurs, le sionisme a été fondé sur le rejet du Talmud et le retour à la Bible. Les dirigeants israéliens, de Ben Gourion à Netanyahou, justifient explicitement leur mépris du droit international par la Bible, jamais par le Talmud. Je pense que c’est une erreur fatale et impardonnable de ne pas reconnaître que le Tanakh juif, l’Ancien Testament chrétien, est le manuel du comportement démoniaque d’Israël sur la scène internationale. Comme l’a écrit H. G. Wells, la Bible décrit « une conspiration contre le reste du monde ». Dans la Bible, « la conspiration est claire et nette, […] une conspiration agressive et vindicative. […] Ce n’est pas de la tolérance, mais de la stupidité que de fermer les yeux sur leur nature » [9].

Les sionistes chrétiens ont le vent en poupe

Dans « Le mythe d’un Occident "judéo-chrétien" : pourquoi cette étiquette ne tient pas la route », Lorenzo Maria Pacini affirme que le terme « judéo-chrétien » est une contradiction sur le plan théologique. Le christianisme, dit-il, « est basé sur la croyance que Jésus est le Messie, le Fils de Dieu et le sauveur de l’humanité. Le judaïsme rejette explicitement Jésus en tant que Messie, le considère comme un faux prophète et, dans de nombreux textes rabbiniques, le dénigre sévèrement ». L’auteur passe à côté de l’essentiel : la notion même de messie est juive et présuppose qu’Israël est la nation élue de Dieu. Je comprends parfaitement qu’un chrétien rejette le terme « judéo-christianisme », car il veut insister sur ce qui distingue le christianisme du judaïsme. Mais du point de vue juif, le christianisme est une hérésie juive. Les chrétiens sont d’accord avec les juifs pour dire que Dieu s’est révélé uniquement à Abraham, Jacob et Moïse – alors que toutes les autres civilisations, y compris les Romains, adoraient le diable – et qu’il avait prévu d’envoyer le Messie en Israël. Le seul désaccord porte sur le Messie. Si Jésus-Christ, en plus d’être le Fils de Dieu, est le Messie d’Israël, alors véritablement, « le salut vient des Juifs » (Jean 4:22).

Ne vous méprenez pas : je ne soutiens pas l’idée que la civilisation occidentale est judéo-chrétienne, et encore moins que « tout a commencé au mont Sinaï », comme l’écrit Josh Hammer dans son grotesque ouvrage Israel and Civilization : The Fate of the Jewish Nation and the Destiny of the West. Au contraire, j’ai soutenu (ici et ici) que le véritable génie de notre civilisation dans les domaines de l’art, de la science et de la philosophie est hellénistique et romain, et qu’il s’est épanoui malgré le christianisme plutôt que grâce à lui. Je ne suis même pas disposé à attribuer les cathédrales au christianisme, car elles ont été construites par des guildes de « francs-maçons » dont la foi chrétienne n’a rien à voir avec leur art. Ce que je dis, c’est que, dans la mesure où nous sommes chrétiens, nous sommes judéo-chrétiens. Les seuls chrétiens qui n’étaient pas judéo-chrétiens étaient ceux qui rejetaient l’Ancien Testament, comme le manichéen Faustus qui qualifiait Augustin de demi-chrétien parce qu’il adorait le dieu juif (Augustin, Contra Faustus i,2).

Dire, comme je l’entends souvent, que le problème est que le christianisme a été infiltré par les juifs (par le calvinisme, les jésuites, la Bible de Scofield, Vatican II ou autre) est une tautologie : le christianisme est une infiltration juive de la civilisation romaine depuis le début. Les chrétiens antisionistes affirment que le sionisme chrétien est fondé sur la fausse doctrine du dispensationalisme, qui prétend que la promesse de Dieu à Israël est toujours valable. C’est en partie vrai (seulement en partie, car tous les chrétiens sionistes ne sont pas dispensationalistes). Mais voyons si cela est contraire au christianisme.

Dans son Épître aux Romains, certainement l’un des textes les plus influents du Nouveau Testament, Paul affirme que la promesse de Dieu à Israël est éternelle et que les Juifs « sont toujours bien-aimés à cause de leurs ancêtres. Il n’y a aucun changement de la part de Dieu concernant les dons qu’il a faits ou son choix » [« car les dons et l’appel de Dieu sont sans repentance », dans la traduction de la Bible de Jérusalem] (11, 28-29). Ce que Paul dit essentiellement aux païens, c’est que les Israélites sont toujours le peuple élu de Dieu. Le contrat est toujours valable. Les Juifs n’ont pas été désélectionnés. Dieu a dû faire un détour par les Gentils, mais à la fin, « tout leur sera rendu » (11, 12). « Une partie d’Israël s’est endurcie, jusqu’à ce que soit entrée la totalité des païens, et ainsi tout Israël sera sauvé, comme il est écrit » (11, 25-26). Dans la célèbre métaphore de Paul sur la greffe, Israël est comme un bon olivier planté par Dieu, et les chrétiens païens sont comme des branches coupées d’oliviers sauvages (mauvais) et greffées sur Israël (11, 17). Paul avertit ensuite les païens convertis de ne pas se sentir supérieurs : « Ce n’est pas toi qui portes la racine, c’est la racine qui te porte. » (11, 18) Les branches greffées peuvent être coupées si elles échouent, tandis qu’il sera facile pour « les branches naturelles » d’être « greffées sur leur propre olivier » (11,24).

Avant d’être chrétien (un nom qui n’existe pas encore), Paul est un Juif cosmopolite qui cherche un moyen pour que son peuple progresse vers sa destinée ultime à travers l’Empire romain plutôt que contre lui. Son état d’esprit est très similaire à celui de Flavius Josèphe qui, dans La Guerre des Juifs (vi, 5), réinterprète les prophéties messianiques juives comme faisant référence à Vespasien. Ce qui a poussé les Judéens à se révolter contre Rome, écrit-il, « c’était une prophétie ambiguë tirée de leurs Écritures » selon laquelle « un homme de leur pays devait régner sur le monde entier ». Mais ils se sont trompés dans leur interprétation de cette prophétie, car elle s’appliquait en réalité à Vespasien, « qui a été nommé empereur en Judée ». En renversant la prophétie juive, Josèphe ne renonçait pas à la destinée des Juifs de régner sur le monde ; il élaborait un plan B, qui reposait sur l’utilisation de la puissance de l’Empire romain plutôt que sur l’opposition à celui-ci. Comme Philon d’Alexandrie avant lui, mais d’une manière différente, il essayait de convertir Rome à la vision juive du monde. En reconnaissant Vespasien comme le Messie, il considérait Rome comme l’instrument de la conquête juive du monde, tout comme le Second Isaïe avait considéré la Perse lorsqu’il avait appelé Cyrus le Grand le « Messie » (Isaïe 45:1). La réinterprétation des prophéties juives par Josèphe n’a pas donné naissance à une religion, contrairement à celle de Paul, qui a finalement conquis Rome.

La sionisation irrésistible du christianisme

Je prédis que le sionisme chrétien continuera à se développer, car de plus en plus de juifs le financeront et le promouvront, tandis que le christianisme non sioniste continuera à décliner dans les pays développés, car de moins en moins de non-juifs le trouveront utile pour leur salut personnel ou pour le salut de leur civilisation. Un phénomène significatif récent est l’apparition d’une version catholique du sionisme chrétien (dont Vatican II avait déjà jeté les bases). From Sinai to Rome : Jewish Identity in the Catholic est un livre adressé aux catholiques, « soucieux de retrouver les dimensions juives de l’Évangile et de l’Église afin que le catholicisme puisse retrouver ses pleines dimensions ecclésiales en tant que composé de Juifs et de Gentils sous le Messie d’Israël ». Les auteurs, parmi lesquels figurent des prêtres catholiques tels qu’Elias Friedman et Antoine Levy, « soutiennent que ce n’est qu’en prenant au sérieux le contexte juif de Jésus, de ses disciples et de ses enseignements que nous pouvons voir l’Église telle qu’elle est : une communauté juive d’alliance établie en Abraham et accueillant les gentils, les nations, pour partager cette grande promesse et ce don de Dieu ». Faisant écho à l’épître de Paul aux Romains, Angela Costley, spécialiste catholique de l’hébreu, affirme que « nous devrions considérer l’Église païenne comme une insertion dans Israël » et que « Israël n’est pas rejeté pour ne pas avoir accepté Jésus comme Messie, comme on le pensait auparavant, mais que les païens sont au contraire incorporés à Israël ».

Je ne dis pas que le sionisme chrétien est une bonne chose, je dis qu’il est inévitable. Le christianisme a été conçu avec une porte dérobée (backdoor), un dispositif intégré destiné à permettre au judaïsme d’en prendre le contrôle. L’Ancien Testament est un cheval de Troie juif dans la ville romaine. Bien qu’il y aura toujours des chrétiens antisionistes, le christianisme traditionnel est en train d’être pris en main par les juifs. Les papes sont aussi favorables aux juifs qu’ils peuvent l’être. En France, le défenseur le plus médiatisé de la foi catholique est Éric Zemmour, un juif qui fréquente en privé les sionistes antichrétiens les plus méprisables après avoir débattu avec eux à la télévision. Les catholiques français se laissent-ils berner par cette mascarade ? Oui, complètement. Ils remercient le Seigneur de ce soutien inespéré. Le numéro de Gad Elmaleh en juif touché par la grâce du Saint-Esprit les enchante également. Ils feraient pourtant mieux de se demander pourquoi Zemmour et Elmaleh aiment tant le catholicisme. La réponse est simple : aujourd’hui, le catholicisme est bon pour Israël.

La meilleure métaphore pour décrire ce qui se passe se trouve dans le Livre de Josué. Alors que les Israélites assiègent Jéricho, deux espions israéliens pénètrent dans la ville et passent la nuit chez une prostituée nommée Rahab, qui les cache en échange de quoi elle sera épargnée, ainsi que sa famille, lorsque les Israélites s’empareront de la ville. Elle fournit ensuite aux guerriers israélites les moyens d’entrer dans la ville et de massacrer tout le monde, « hommes et femmes, jeunes et vieux » (6:21). Pour justifier sa trahison envers son propre peuple, elle dit aux Israélites que « Yahveh, votre Dieu, est Dieu au ciel en haut et sur la terre en bas » (2:11), ce que ni le narrateur, ni Yahveh, ni aucun Israélite dans le Livre de Josué ne prétend jamais (Yahveh est systématiquement désigné comme « le Dieu d’Israël » dans ce livre). Ma Bible catholique française (La Bible de Jérusalem publiée par l’École Biblique dominicaine) ajoute une note de bas de page à la « profession de foi au Dieu d’Israël » de Rahab, disant qu’elle « a fait de Rahab, aux yeux de plus d’un Père de l’Église, une figure de l’Église païenne, sauvée par sa foi ». Je trouve que cette note de bas de page, qui compare l’Église à la prostituée de Jéricho, est emblématique du véritable rôle du christianisme. Car c’est bien l’Église qui, en reconnaissant le dieu d’Israël comme le Dieu universel, a introduit les Juifs au cœur de la cité païenne et, au fil des siècles, leur a permis de s’emparer du pouvoir.

Laurent Guyénot

https://www.egaliteetreconciliation.fr/Vers-la-sionisation-integrale-du.html


Notes

[1] Paula Fredriksen, "Augustine and the Jews : A Christian Defense of Jews and Judaism", Yale UP, 2010.

[2] Jacob Neusner, "Judaism and Christianity in the Age of Constantine", University of Chicago Press, 1987, p. ix.

[3] Richard Huscroft, "Expulsion : England’s Jewish Solution", The History Press, 2006, p. 29.

[4] Yirmiyahu Yovel, "The Other Within : The Marranos : Split Identity and Emerging Modernity", Princeton UP, 2018, pp. 76, 122.

[5] Heinrich Graetz, "History of the Jews", Jewish Publication Society of America, 1891, vol. III, ch. VI, p. 162.

[6] Richard Huscroft, "Expulsion : England’s Jewish Solution", The History Press, 2006, pp. 41-45

[7] Cecil Roth, "A History of the Jews in England" (1941), Clarendon Press, 1964, p. 148.

[8] E. Michael Jones, "The Jewish Revolutionary Spirit and Its Impact on World" History, Fidelity Press, 2008, pp. 118–123.

[9] Herbert George Wells, "The Fate of Homo Sapiens", 1939 (archive.org), p. 128.