Ann Arbor – Patrick Wintour, du Guardian, rapporte qu’environ 200 personnalités éminentes du monde littéraire, culturel et politique ont signé une lettre ouverte réclamant la libération de l’activiste palestinien Marwan Barghouti, emprisonné en Israël. Barghouti, 66 ans, est largement considéré comme l’une des rares personnalités capables d’unir les Palestiniens et de les mener vers la création d’un État. Israël l’emprisonne depuis 23 ans à l’issue d’un procès que la plupart des observateurs jugent pour le moins extrêmement contestable. Israël semble se préparer à une vague d’exécutions de prisonniers palestiniens, dont certains sont détenus sans inculpation ni procès pour une durée indéterminée.
La liste des signataires, qui comprend de nombreuses célébrités, compte Margaret Atwood, connue pour son roman “La Servante écarlate”, Mark Ruffalo, alias l’Incroyable Hulk, Philip Pullman, auteur de “À la croisée des mondes”, Paul Simon, Benedict Cumberbatch, alias Dr Strange, Sting, l’artiste chinois Ai Weiwei (lui-même arrêté et détenu sans inculpation 81 jours), l’auteur Stephen Fry, l’entrepreneur milliardaire Richard Bramson, et d’autres écrivains et personnalités culturelles de premier plan.
Certains comparent cette campagne à celle qui a permis de libérer Nelson Mandela des prisons de l’Afrique du Sud de l’apartheid à la fin des années 1980, et qui a présagé la fin de l’apartheid lui-même.
Le leadership palestinien bat de l’aile, notamment sous l’influence d’Israël et des États-Unis. Les peuples occupés sont souvent divisés et gouvernés par des occupants étrangers qui les corrompent, les espionnent et les manipulent. Ils font de tout leader indigène qui réussit un collaborateur ou un terroriste. Ils nuisent à l’économie locale et favorisent ainsi l’échec d’une société à long terme. Les accords d’Oslo de 1993 ont réduit l’Organisation de libération de la Palestine à un instrument de contrôle des Palestiniens, pour prévenir toute révolte contre leur occupation brutale. En conséquence, l’OLP est aujourd’hui largement méprisée. Par ailleurs, le refus d’Israël d’autoriser la tenue d’élections depuis 2006 a transformé les dirigeants de l’Autorité palestinienne en une gérontocratie gangrenée par la corruption.
Le Hamas a été financé par les Israéliens puis confiné dans un grand camp de concentration à ciel ouvert, devenant ainsi une gouvernance plus hostile que complaisante jusqu’aux attaques du 7 octobre 2023, actant la fin de toute négociation israélo-américaine avec des représentants de ce gouvernement élu., actant la stratégie d’Israël d’affaiblissement et de division dans les rangs des dirigeants palestiniens.
Barghouti n’a jamais été mêlé à la corruption et à la collaboration qui entachent désormais la réputation de l’OLP, car, bien qu’il soit membre du Fatah, il a été emprisonné pendant cette période troublée.
Né en 1959 dans le hameau de Kober, dans le gouvernorat de Ramallah, il est issu d’une famille de la classe moyenne. Son épouse, Nadwa, est avocate et militante pour les droits des femmes.
Adolescent, il a rejoint le Parti communiste et participé à des manifestations pacifiques. Comme l’a montré l’historien Joel Beinin dans son ouvrage Was the Red Flag Flying There? Marxist Politics and the Arab-Israeli Conflict in Eqypt and Israel 1948-1965, il a rejoint le Parti communiste à l’adolescence et a participé à des manifestations pacifiques. , le Parti communiste était l’un des rares mouvements politiques en Israël et en Palestine à compter à la fois des membres israéliens et palestiniens, la doctrine marxiste rejetant le chauvinisme nationaliste.
Cependant, il estimait que le problème israélo-palestinien ne pouvait pas être résolu en poussant la chansonnette autour d’un feu de camp, et il a rejoint le Fatah, le groupe dominant au sein de l’OLP, dirigé par Yasser Arafat. En 1978, les Israéliens ont arrêté Barghouti, alors âgé de 19 ans, uniquement pour son appartenance à l’OLP. Il a été emprisonné quatre ans, et a terminé ses études secondaires à la Prince Hassan High School de Bir Zeit en suivant des cours par correspondance depuis la prison.
Après sa libération en 1982, alors qu’il avait 23 ans, il a intégré l’université de Bir Zeit, où il a obtenu une licence en histoire et en sciences politiques, puis a obtenu une maîtrise en relations internationales dans cette même université. Au cours des années 1980, il s’est investi activement dans la politique universitaire et a été élu président du conseil étudiant.
En 1987, les Israéliens l’ont expulsé vers la Jordanie, ce qui constitue un crime de guerre, car la quatrième Convention de Genève de 1949 interdit à une puissance occupante de déplacer des membres d’une population occupée. Il a vécu en exil forcé jusqu’en 1993, date à laquelle Israël a signé les accords d’Oslo avec l’OLP, qui a alors reconnu Israël, mettant ainsi fin au conflit entre les deux parties.
De retour sur sa terre natale, il a obtenu un poste d’enseignant sur le campus principal d’Abu Dis de l’université Al-Quds, à Jérusalem. Barghouti était connu pour ses bons rapports avec les Israéliens dans les années 1990. Il est ensuite devenu secrétaire général du Fatah en Cisjordanie, puis a été élu au Parlement palestinien créé après les accords d’Oslo. Il a fondé le groupe paramilitaire laïc Tanzim pour lutter contre la montée en puissance des militants fondamentalistes du Hamas. Il était considéré comme l’un des jeunes espoirs de la politique palestinienne sur lequel comptaient d’anciens dirigeants comme Yasser Arafat. Il critiquait toutefois la corruption endémique au sein de l’Autorité palestinienne.
Pendant la deuxième Intifada, les relations entre Israéliens et Palestiniens se sont à nouveau envenimées. En 2002, Barghouti a écrit un éditorial pour le Washington Post intitulé “Si vous cherchez la sécurité, mettez fin à l’occupation”. Il y déclarait :
“Au cours des 15 derniers mois, Israël a tué plus de 900 civils palestiniens, dont 25 % avaient moins de 18 ans”,
ajoutant
“Je ne suis ni un terroriste, ni un pacifiste, juste un homme ordinaire issu du peuple palestinien. Je défends le droit à la légitime défense en l’absence de tout soutien extérieur. Un principe qui pourrait bien me coûter la vie”.
Par la suite, une faction militante du Fatah a mené des attaques en Israël, tuant des dizaines d’Israéliens, et les autorités israéliennes ont accusé Barghouti d’être impliqué, sans toutefois présenter la moindre preuve de cette allégation. En 2004, il a été condamné à cinq peines de prison à perpétuité.
Je condamne fermement le terrorisme consistant à attaquer des civils à des fins politiques. Mais dans le monde réel, ceux qui recourent à ces méthodes parviennent toutefois quelquefois à revenir sur la scène politique. Menahem Begin, qui se vantait d’avoir mitraillé des femmes et des enfants palestiniens innocents à Deir Yassin en 1948, est devenu Premier ministre d’Israël et a reçu le Nobel de la paix. Ahmed al-Shara, ancien chef d’une branche d’Al-Qaïda emprisonné par les Marines américains en Irak et a commis bien plus d’actes terroristes que Begin, était récemment l’invité d’honneur de la Maison Blanche de Trump. Nelson Mandela lui-même a commis des actes de violence politique dans sa jeunesse, pour lesquels il a été emprisonné ; il n’était pas pacifiste. Une fois libéré, il est devenu président de l’Afrique du Sud et a appelé à la réconciliation.
Il a obtenu en prison un doctorat en sciences politiques en 2010 et s’est fait connaître pour avoir plaidé en faveur de la retenue et contre la violence auprès de l’opinion publique palestinienne.
Son conseil aux Israéliens en 2002, qui n’a malheureusement pas été suivi, reste d’actualité :“Si vous cherchez la sécurité, mettez fin à l’occupation”. Si Barghouti pouvait apporter sa contribution, Israël pourrait peut-être se sauver des pulsions autodestructrices qui le mènent à sa perte.
Source: juancole.com
Traduit par Spirit of Free Speech
Juan Cole est le fondateur et rédacteur en chef d’Informed Comment. Il est professeur d’histoire à l’université du Michigan, où il occupe la chaire Richard P. Mitchell. Il est l’auteur, entre autres ouvrages, de Muhammad: Prophet of Peace amid the Clash of Empires et The Rubaiyat of Omar Khayyam.
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Qassam Barghouti affirme que les forces israéliennes ont brisé les dents et les côtes de son père, Marwan, lui ont coupé l’oreille et lui ont cassé les doigts « par étapes, pour s’amuser ». Qassam a expliqué avoir été réveillé par un appel d’un détenu libéré et s’être senti terrifié et impuissant en apprenant les détails. Il a écrit sur Facebook : « Que faire ? À qui m’adresser ? Où aller ? Nous vivons ce cauchemar au quotidien. Mon père a 66 ans. Où trouvera-t-il la force de survivre à cela ? »
Le Club des prisonniers palestiniens a mis en garde contre un « projet dangereux » visant à assassiner Marwan Barghouti dans les prisons israéliennes. Israël l’a arrêté en 2002 et l’a condamné à cinq peines de prison à perpétuité. Il demeure l’un des dirigeants palestiniens les plus influents et populaires.
Amjad al-Najjar, directeur du Club des prisonniers, a déclaré que l’escalade de la violence contre Barghouti survient alors que la communauté internationale s’élève pour exiger sa libération. Selon lui, le gouvernement israélien souhaite « se débarrasser de lui pendant sa détention ».
La crainte s’est accrue après que le ministre israélien de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, a fait irruption dans la cellule de Barghouti en février. Les médias israéliens ont diffusé une vidéo le montrant menaçant de tuer le dirigeant détenu.
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