vendredi 18 juillet 2025

Israël fait appliquer les évacuations à Gaza avec des drones larguant des grenades



Selon la radio de l’armée israélienne, la “politique des cinq doigts” d’Israël est en marche : un plan méthodique pour découper Gaza en ghettos militaires isolés, sous couvert de “couloirs de sécurité”. 




En réalité, ces corridors sont des zones d’extermination lente — des axes de destruction totale où tout est rasé de part et d’autre.

- Netzarim, par exemple, n’était qu’une fine route militaire. Aujourd’hui, c’est une cicatrice de plus de 6,5 km de large, vidée de toute vie, bâtie sur des ruines.

À Khan Younis, Israël applique la même méthode avec le nouveau corridor « Magen Oz », qui divise la ville en deux :

1. Khan Younis Est – déjà occupé, vidé de ses habitants, déclaré « nettoyé ».

2. Khan Younis Ouest – toujours sous feu, refuge précaire d’un million de déplacés dans la zone de tentes d’al-Mawasi.

À mesure que ces corridors s’élargissent, Israël grignote Gaza, transforme les zones occupées en territoires militaires rebaptisés “zones humanitaires”, et prépare la suite du démantèlement.

Le but ?

– Créer un effet de levier : occuper plus, pour “offrir” moins lors des futures négociations.


– Jouer le théâtre humanitaire : se donner le beau rôle pendant que l’extermination se poursuit.


Ce plan n’est pas un détail militaire, c’est une stratégie de démembrement territorial. Gaza devient un archipel de poches isolées, affamées, contrôlées — un réseau de camps à ciel ouvert déguisés en zones sûres.

Un génocide qui avance au bulldozer, sous le bruit des drones, et avec les compliments de la communauté internationale.

Tomy le Magnifique


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« Comme un jeu vidéo » : Israël fait appliquer les évacuations à Gaza avec des drones larguant des grenades


L’armée israélienne utilise des drones fabriqués en Chine comme armes pour faire appliquer les ordres d’expulsion dans toute la bande de Gaza. Selon une enquête, des soldats affirment viser délibérément des civils afin que d’autres « apprennent » à ne pas revenir.

L’armée israélienne a militarisé une flotte de drones commerciaux fabriqués en Chine pour attaquer des Palestiniens dans certaines zones de Gaza qu’elle cherche à dépeupler, révèle une enquête de +972 Magazine et Local Call.

Selon des entretiens avec sept soldats et officiers ayant servi dans la bande de Gaza, ces drones sont pilotés manuellement par des troupes au sol et sont fréquemment utilisés pour bombarder des civils palestiniens, y compris des enfants, afin de les forcer à quitter leur domicile ou les empêcher de revenir dans les zones évacuées. Les soldats utilisent le plus souvent des drones EVO, produits par la société chinoise Autel, initialement destinés à la photographie et vendus environ 10 000 NIS (environ 3 000 $) sur Amazon. Toutefois, grâce à un dispositif militaire surnommé en interne « balle de fer », une grenade à main peut être fixée au drone et larguée par simple pression d’un bouton pour exploser au sol. Aujourd’hui, la majorité des compagnies militaires israéliennes présentes à Gaza emploient ces drones.

S., un soldat israélien ayant servi cette année dans la région de Rafah, a coordonné des attaques de drones dans un quartier de la ville que l’armée avait ordonné d’évacuer. Durant les près de 100 jours d’opérations de son bataillon dans la zone, les soldats ont mené des dizaines de frappes de drones, selon les rapports quotidiens de son commandant de bataillon consultés par +972 et Local Call.

Dans les rapports, tous les Palestiniens tués étaient répertoriés comme des « terroristes ». Cependant, S. a témoigné qu’à part une personne trouvée avec un couteau et un seul affrontement avec des combattants armés, la grande majorité des autres personnes tuées, en moyenne une par jour dans la zone d’opération de son bataillon, n’étaient pas armées. Selon lui, les frappes de drones étaient menées avec l’intention de tuer, bien que la plupart des victimes se trouvaient à une telle distance des soldats qu’elles ne pouvaient représenter aucune menace. « Il était clair qu’ils essayaient de retourner chez eux, il n’y a aucun doute, » a-t-il expliqué. « Aucun n’était armé, et rien n’a jamais été trouvé près de leurs corps. Nous n’avons jamais tiré de coups de d’avertissement. Jamais, à aucun moment. » Comme les Palestiniens ont été tués loin de la position des soldats, S. a déclaré que leurs cadavres n’étaient pas récupérés, l’armée les laissait plutôt être dévorés par des chiens errants. « On pouvait le voir sur les images des drones, ». « Je n’ai pas pu me résoudre à regarder un chien manger un corps, mais d’autres autour de moi le faisaient. Les chiens ont compris qu’il fallait courir vers les zones où il y avait des tirs ou des explosions, ils savent probablement que cela signifie qu’il y a un cadavre. »

Des soldats ont témoigné que ces frappes de drones sont souvent menées contre toute personne entrant dans une zone que l’armée a décrétée interdite aux Palestiniens, une délimitation qui n’est jamais matérialisée sur le terrain. Deux sources ont utilisé des variantes de l’expression « apprendre par le sang » pour décrire l’idée selon laquelle les Palestiniens finissent par comprendre ces frontières arbitraires après que des civils sont tués en y entrant. « Il y a eu de nombreux cas où des grenades ont été larguées depuis des drones, » a déclaré H., un soldat ayant servi dans la zone de Nuseirat, au centre de Gaza. 

« Est-ce que c’était contre des militants armés ?
Certainement pas. Une fois qu’un commandant définit une ligne rouge imaginaire que personne ne doit franchir, quiconque la franchit est condamné à mort, » même si c’est juste pour « marcher dans la rue ». Dans plusieurs cas, S. a affirmé que les troupes israéliennes visaient délibérément des enfants. « Il y avait un garçon qui est entré dans la zone . Il n’a rien fait. D’autres soldats disaient l’avoir vu debout, en train de parler avec des gens. C’est tout, ils ont largué une grenade depuis un drone. » Dans un autre incident, a-t-il dit, des soldats ont tenté de tuer un enfant qui faisait du vélo, alors qu’il se trouvait très loin d’eux. « Dans la plupart des cas, il n’y avait rien qu’on puisse se dire pour justifier ça, » a poursuivi S. « Il n’y avait aucun moyen de finir la phrase : “Nous les avons tués parce que…” » A., un officier ayant participé aux opérations autour de Khan Younis cette année, a déclaré que l’un des objectifs principaux de ces attaques était de s’assurer que les quartiers soient vidés de leurs habitants palestiniens, ou qu’ils restent vides. En juin, son unité a piloté un drone dans une zone résidentielle que l’armée avait ordonné d’évacuer le mois précédent. Les soldats se tenaient aux abords de la ville, observant un petit écran montrant les images en direct du drone pour voir qui se trouvait encore dans le quartier. « Quiconque ils voient, ils le tuent, » a témoigné A. « Si des gens se déplacent là-bas, c’est une menace. » Selon lui, l’idée est que tout civil restant sur place après un ordre d’évacuation « n’est soit pas innocent, soit apprendra par le sang qu’il doit partir». Plus tôt ce mois-ci, le journaliste palestinien Younis Tirawi a publié des images qu’il avait obtenues, montrant l’un de ces drones larguant une grenade, qui, selon lui, visait des civils dans le corridor de Netzarim, au nord de Gaza. Sur l’écran de contrôle du drone, on peut lire « Iron ball drop device ». D’après l’interface et d’autres images examinées par +972 et Local Call, il existe de fortes présomptions que le drone était un modèle Autel.

« Cela ressemble à un aéroport miniature »

Selon les soldats interrogés par +972 et Local Call, le principal avantage d’utiliser des drones commerciaux comme le modèle EVO fabriqué par Autel est qu’ils sont bien moins chers que leurs équivalents militaires. Par exemple, le modèle Hermes 450 d’Elbit (également appelé « Zik ») utilisé par l’armée de l’air israélienne coûte environ 2 millions de dollars par drone. Les modèles commerciaux peuvent aussi être rapidement réarmés et sont pilotés au sol par des soldats équipés de manettes, sans nécessiter l’approbation d’un centre de commandement des frappes. « La raison pour laquelle tout le monde les utilise maintenant, c’est qu’ils ne coûtent presque rien, » a expliqué L., qui a servi à Gaza l’année dernière. « Pour l’infanterie, d’un coup, on peut utiliser beaucoup plus de puissance de feu, beaucoup plus facilement. » En effet, les drones commerciaux transformés en armes sont devenus courants sur les champs de bataille modernes, car ils offrent une alternative bon marché et accessible aux frappes aériennes traditionnelles. L’Ukraine et la Russie ont toutes deux utilisé des drones chinois DJI dans la guerre actuelle en Europe de l’Est, équipés de fixations imprimées en 3D pour transporter des grenades et autres explosifs. En mai, après avoir découvert que l’Ukraine utilisait des drones commerciaux à des fins militaires, la Chine en a interdit la vente au pays, selon le président ukrainien Volodymyr Zelensky. Le Hamas a également utilisé des drones explosifs, à la fois le 7 octobre et lors d’opérations contre les forces israéliennes à Gaza. Mais au début de la guerre actuelle, l’armée israélienne ne disposait quasiment pas de drones bon marché pour ses troupes au sol. « Parce que le Hamas nous a attaqués avec des drones, dès le premier jour tout le monde parlait du fait qu’on n’en avait pas, » a raconté E., un soldat ayant servi à Gaza peu après le 7 octobre. « On a essayé de collecter de l’argent pour acheter des drones. Chacun prenait ce qu’il pouvait. » Dans les premiers mois de la guerre, les unités de l’armée israélienne ont reçu de nombreux dons venant principalement d’Israël et des États-Unis. Avec la nourriture et le shampoing, les drones faisaient partie des objets les plus demandés par les soldats. « Les soldats lançaient eux-mêmes des campagnes de financement participatif, » a expliqué L. « Notre compagnie a reçu environ 500 000 NIS (environ 150 000 $) de dons, que nous avons aussi utilisés pour acheter des drones. » C., un autre soldat, se souvient qu’on lui avait demandé de signer des lettres de remerciement destinées à des Américains ayant fait don de drones EVO à son bataillon.

Dans un groupe Facebook nommé « The Israeli Drone Pilots Community », de nombreuses publications demandaient des dons de drones EVO pour des unités à Gaza. Plusieurs pages ont également été créées sur Headstart (une plateforme israélienne de financement participatif) pour collecter de l’argent afin d’acheter des drones de manière indépendante. Finalement, l’armée a commencé à fournir directement des drones aux soldats. Comme l’a rapporté précédemment le média israélien Globes, l’armée a passé commande de milliers de drones fabriqués en Chine, dont certains produits par Autel. Au départ, ces drones servaient uniquement à la reconnaissance : inspecter des bâtiments avant que les soldats n’y pénètrent. Mais avec le temps, davantage d’unités ont reçu de l’armée des dispositifs « iron ball » et ont transformé ces drones d’outils de renseignement en armes létales. Alors que l’armée utilise généralement de plus gros drones militaires opérant depuis l’extérieur de Gaza, Ron Ben-Yishai, analyste militaire du site Ynet, qui a visité début juillet une base militaire israélienne dans le nord de Gaza, a décrit des soldats pilotant « toutes sortes de drones : de surveillance, suicides et d’attaque. L’endroit ressemble à un aéroport miniature, les drones décollent et atterrissent sans arrêt. » Ben-Yishai a cité un officier militaire expliquant que ces appareils servaient à faire appliquer les ordres d’expulsion de l’armée, et que toute personne restant sur place était automatiquement considérée comme terroriste. « Il y a quelques jours, nous avons demandé aux civils d’évacuer cette zone, » a déclaré l’officier, faisant référence aux quartiers d’Al-Daraj, Al-Tuffah et Shuja’iyyah, à Gaza-ville. « Des dizaines de milliers de personnes sont parties vers le centre de Gaza. Donc, toute personne encore ici ne peut plus être considérée comme un ‘civil non impliqué’. »

« Un ou deux meurent, et les autres comprennent »

Le 13 juin, quelques semaines après que l’armée israélienne a ordonné l’évacuation d’une grande partie de Khan Younis, Mohammed, 27 ans, est retourné en ville avec plusieurs autres jeunes hommes pour vérifier l’état de leurs maisons. Lorsqu’ils ont atteint le centre-ville, un drone a largué un explosif sur eux. « Je me suis réfugié derrière un mur pour me protéger, mais certains jeunes ont été blessés, » a-t-il raconté à +972 et Local Call. « C’était terrifiant. » Mohammed fait partie de plusieurs Palestiniens de Khan Younis ayant déclaré à +972 et Local Call que l’armée israélienne utilisait des drones armés pour faire respecter les ordres d’évacuation dans la ville, en déplaçant les habitants et en les empêchant ensuite de revenir.

Les plans officiels de l’armée consistent à déplacer et regrouper les 2 millions d’habitants de Gaza dans la partie sud de la bande, d’abord à Al-Mawasi et désormais sur les ruines de Rafah. Cela correspond à l’intention explicite des dirigeants politiques israéliens de mettre en œuvre le soi-disant « plan Trump » et d’expulser les Palestiniens de Gaza. Pendant ce temps, dans le nord de Gaza, plusieurs habitants ont déclaré à +972 et Local Call qu’ils avaient récemment été forcés de fuir leurs maisons après que des drones ont commencé à viser des personnes au hasard dans leurs quartiers. Les Palestiniens de Gaza appellent couramment ces drones des « quadcopters » en raison de leurs quatre hélices. Reem, 37 ans, du quartier de Shuja’iyya à Gaza-ville, a raconté qu’elle avait décidé de fuir vers le sud après qu’un drone a tué ses voisins. « En mars, l’armée a fait voler des quadcopters au-dessus de nous qui diffusaient des messages nous ordonnant d’évacuer, » se souvient-elle. « On les voyait larguer des explosifs sur des tentes pour les brûler. Ça m’a terrifiée, et j’ai attendu la tombée de la nuit pour quitter ma maison et partir. » Yousef, 45 ans, a décrit un incident similaire le 11 mai, lorsque des drones israéliens, qu’il décrit comme « surprenamment petits », ont largué des explosifs « dans différentes zones de Jabalia pour forcer les habitants à fuir ». Après avoir défié pendant des mois les ordres d’évacuation d’Israël, c’est cet événement qui l’a finalement poussé à quitter sa maison et à partir vers le sud. Des drones auraient également visé des habitants près des centres d’aide humanitaire. Mahmoud, 37 ans, a raconté à +972 et Local Call que lorsqu’il s’est rendu de Khan Younis à un centre de distribution d’aide près de Rafah le 23 juin, « un quadcopter a largué une bombe sur un groupe de personnes. Des dizaines ont été blessées et nous avons fui. »

Les témoignages des soldats interrogés pour cet article confirment des enquêtes précédentes selon lesquelles l’armée a défini certaines zones de Gaza comme des « zones de mise à mort », où tout Palestinien qui entre est abattu. Des soldats ont expliqué à +972 et Local Call que l’usage de drones avait élargi la taille de ces zones, passant de la portée des armes légères à celle d’un vol de drone, qui peut s’étendre sur plusieurs kilomètres.

« Il y a une ligne imaginaire, et quiconque la franchit meurt, » a expliqué S. « On s’attend à ce qu’ils comprennent cela dans le sang, parce qu’il n’y a pas d’autre moyen, personne ne matérialise cette ligne nulle part. » Il a précisé que la taille de cette zone faisait « quelques kilomètres », mais qu’elle changeait sans cesse. « On envoie un drone à 200 mètres de hauteur, et on peut voir sur trois à quatre kilomètres dans toutes les directions, » a raconté Y., un autre soldat qui a servi à Rafah. « On patrouille comme ça : on voit quelqu’un s’approcher, le premier est touché par une grenade, et ensuite le message circule. Un ou deux autres viennent, et ils meurent. Les autres comprennent. » S. a expliqué que les tirs de drones visaient des personnes qui marchaient « de façon suspecte ». Selon lui, la politique générale dans son bataillon était que quelqu’un « qui marche trop vite est suspect parce qu’il fuit. Quelqu’un qui marche trop lentement est aussi suspect parce que [cela suggère] qu’il sait qu’il est surveillé, donc il essaie d’avoir l’air normal. » Des soldats ont témoigné que des grenades étaient également larguées depuis les drones sur des personnes considérées comme « fouillant le sol », un terme que l’armée utilisait à l’origine pour désigner des militants en train de lancer des roquettes, mais qui s’est peu à peu élargi jusqu’à incriminer des gens pour des gestes aussi simples que se pencher. « C’est l’atout majeur : au moment où je dis “fouillant le sol”, je peux faire ce que je veux, » a expliqué S. « Une fois, j’ai vu des gens ramasser des vêtements. Ils marchaient très lentement, longeaient la limite de la zone interdite, et sont entrés d’une vingtaine de mètres pour récupérer des habits dans les décombres d’une maison. On voyait clairement que c’était ce qu’ils faisaient, et ils ont été abattus. » « Cette technologie a rendu le fait de tuer beaucoup plus “stérile”, » a déclaré H. « C’est comme un jeu vidéo. Il y a un viseur au milieu de l’écran, et on voit l’image vidéo. On est à des centaines de mètres, parfois même à un kilomètre ou plus. Puis on joue avec le joystick, on voit la cible, et on largue [une grenade]. Et c’est même un peu “cool”. Sauf que ce jeu vidéo tue des gens. » Autel n’a pas répondu aux demandes de commentaire de +972 et Local Call. Dans le passé, l’entreprise avait déclaré qu’elle « s’opposait à l’utilisation de produits drones à des fins militaires violant les droits humains », après que le Congrès américain l’a accusée de soutenir l’invasion de l’Ukraine par la Russie et d’aider la Chine à réprimer les Ouïghours et d’autres minorités. Bien que des questions détaillées aient été envoyées au porte-parole de l’armée israélienne (IDF), celui-ci a d’abord refusé d’y répondre. Après la publication de l’article, une réponse a été envoyée, sans traiter directement les allégations, déclarant : « L’IDF rejette catégoriquement les accusations selon lesquelles elle chercherait intentionnellement à nuire à des personnes non impliquées. Les ordres militaires interdisent explicitement de tirer sur des personnes non impliquées. L’IDF est engagée à respecter le droit international et les accusations de violations des lois et ordres feront l’objet d’un examen approfondi par les instances compétentes au sein de l’IDF. »

Yuval Abraham.