jeudi 24 juillet 2025

La famine à Gaza fait partie de la stratégie génocidaire israélienne

 

La famine s’aggrave chaque jour à Gaza, où 100% des habitant-es confronté-es à des niveaux élevés d’insécurité alimentaire, selon le Programme Alimentaire Mondial des Nations Unies. Alors que des déclarations internationales s’enchaînent mais ne sont pas suivies d’amélioration concrète, l’Agence Média Palestine propose de revenir sur les enjeux de cette famine, orchestrée depuis des mois par Israël.


Les Palestinien-nes de Gaza meurent de faim dans le silence assourdissant de la communauté internationale, tandis que des tonnes de nourriture sont gaspillées du côté égyptien de la frontière en attendant l’autorisation d’entrer dans l’enclave. Les troupes israéliennes et les mercenaires étranger-es engagé-es par la Gaza Humanitarian Foundation (GHF) ont tué plus de 900 Palestinien-nes qui cherchaient de l’aide dans des sites dits de ‘distribution humanitaire’. Selon le Programme Alimentaire Mondial (PAM), quelque 100 000 enfants et femmes ont besoin d’un traitement urgent pour malnutrition ; des personnes meurent de faim chaque jour. Et le pire semble encore à venir.

Une famine construite et délibérée

La menace de la famine plane depuis le début du génocide à Gaza. La famine imposée à Gaza ne commence par pour autant le 7 octobre. Les autorités israéliennes utilisent le blocus comme un outil d’affaiblissement de la population depuis des années. En 2006, une réunion de l’équipe ministérielle israélienne chargée de réfléchir aux conséquences du blocus évoquait déjà le calcul aussi précis que cynique des autorités coloniales : «C’est comme un rendez-vous chez le diététicien. Les Palestiniens vont maigrir comme il faut mais ils ne mourront pas», expliquait Dov Weissglas, un conseiller du Premier ministre Ehud Olmert.

L’idée était donc de garantir à la population gazaouie le minimum vital, ni plus, ni moins, «dans l’intention d’éviter une crise humanitaire». Un document gouvernemental avait déterminé la distribution de 2279 calories par jour en moyenne à chaque habitant de Gaza. Le porte-parole du ministère de la défense expliquait : « Une formule mathématique a été mise en place pour identifier les besoins alimentaires » avec un nombre de camions autorisés pour atteindre juste le seuil de ces besoins.

« Pas d’électricité, pas d’eau, pas de nourriture, pas de carburant », a martelé le ministre de la défense Yoav Gallant le 9 octobre 2023, alors que le siège complet de la bande de Gaza était déclaré. Cette déclaration, dans laquelle il qualifiait les Palestinien-nes d’« animaux humains », a par ailleurs été retenue par de nombreux analystes comme l’une des premières preuves de l’intention génocidaire de la campagne militaire israélienne en cours depuis 21 mois.

Au cours des mois qui suivent, le siège israélien a pris des proportions variables au gré de l’attention médiatique et des pressions internationales. En plus de conditionner l’entrée d’aide humanitaire à sa bonne volonté, Israël a rendu les Palestinien-nes de Gaza toujours plus dépendant-es de celle-ci en détruisant systématiquement les infrastructures agricoles et les usines qui permettaient aux habitant-es une relative autonomie.

À de nombreuses reprises, des acteurs internationaux tels qu’OXFAM, le PAM et l’ONU alertent sur une situation dangereuse. Le 9 juillet 2024, pas moins de 11 expert-es mandaté-es par le Conseil des droits de l’homme des Nations unies ont lancé un appel de détresse concernant la famine à Gaza.

« Nous déclarons que la campagne de famine intentionnelle et ciblée menée par Israël contre le peuple palestinien constitue une forme de violence génocidaire et a entraîné une famine dans toute la bande de Gaza. Nous appelons la communauté internationale à donner la priorité à l’acheminement de l’aide humanitaire par voie terrestre par tous les moyens nécessaires, à mettre fin au siège israélien et à instaurer un cessez-le-feu », déclaraient ces expert-es dans leur communiqué.

« Le pire scénario possible »

Plus d’un an après cette déclaration, nous manquons de superlatifs pour décrire la gravité de la situation. En mars, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a imposé un blocus total sur l’entrée de nourriture et d’aide dans la bande de Gaza, qui a duré jusqu’à la mi-mai. Depuis lors, l’armée israélienne n’a autorisé qu’une infime quantité d’aide à entrer dans la bande de Gaza, tout en tuant des civils qui tentent de se procurer ces maigres rations alimentaires.

« Chaque jour, je me rends au marché, je marche longtemps et je déambule, mais je ne trouve pas de farine. Et si j’en trouve, le prix est tellement élevé que je ne peux tout simplement pas me le permettre », raconte Atta Deifallah, un habitant de Gaza qui qui explique devoir subvenir aux besoins de 11 personnes.

Les cuisines caritatives qui constituaient une bouée de sauvetage pour des centaines de milliers de Palestiniens déplacés ont fermé Ahmed Abed, un autre homme déplacé, a déclaré à Al Jazeera qu’il ne savait plus quoi dire à ses enfants affamés. « Il n’y a rien, ni nourriture, ni eau. Nous ne savons pas comment nous occuper des enfants. Que leur dire quand ils et elles demandent à manger ? »

Depuis l’aube d’aujourd’hui, 22 juillet 2025, quatre personnes sont mortes de faim ou de soif à Gaza. Hier, deux. Le jour précédent, dix-neuf. Le décompte sinistre de ces décès risque d’empirer encore, alors que le (PAM) affirme qu’un tiers de la population passe désormais plusieurs jours sans manger en raison du blocus israélien. Parmi les plus vulnérables, le PAM indique que 100 000 femmes et enfants souffrent de malnutrition sévère, les approvisionnements alimentaires restant extrêmement faibles et l’accès humanitaire bloqué.

La recherche de nourriture elle-même est devenue dangereuse : l’ONU dénonce aujourd’hui plus de 1000 cas de meurtres de civils alors qu’ils et elles venaient réclamer de l’aide humanitaire. « Au 21 juillet, nous avons recensé 1 054 personnes tuées à Gaza alors qu’elles tentaient d’obtenir de la nourriture ; 766 d’entre elles ont été tuées à proximité des sites de la GHF [la Gaza Humanitarian Foundation, structure opaque pilotée par Israël avec le soutien logistique des Etats-Unis depuis le 19 mai] et 288 à proximité des convois d’aide de l’ONU et d’autres organisations humanitaires », a fait savoir le Haut-Commissariat aux droits de l’homme à l’AFP.

« C’est le pire scénario possible, où l’on prive des personnes de ce dont elles ont besoin pour survivre », explique le rapporteur spécial à l’ONU sur le droit à l’alimentation Michael Frakhis lors d’une interview sur Al Jazeera. « Il ne s’agit pas seulement de privation de nourriture, mais aussi d’eau et de soins de santé… D’un point de vue juridique, ce que nous savons avec certitude, c’est qu’il s’agit d’un cas de famine, qui constitue un crime de guerre. »

Le rapporteur de l’ONU rappelle que la Cour pénale internationale a émis des mandats d’arrêt contre M. Netanyahu et l’ancien ministre de la Défense Yoav Gallant en novembre pour « crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis au moins entre le 8 octobre et le 20 mai 2024 », des accusations qui sont en partie liées à l’instrumentalisation de la famine. Les mandats d’arrêt « créent une obligation juridique : les pays doivent agir pour mettre fin à la famine », conclut-il.

Stratégie génocidaire

La famine tue par de nombreux moyens. L’affaiblissement dû à la malnutrition empêche par exemple les personnes blessées dans des bombardements israéliens « d’obtenir les calories et les protéines supplémentaires dont elles auraient normalement besoin pour guérir de ce type de blessures et y survivre », explique une médecin volontaire à Gaza, qui indique qu’elle voit des patient-es mourir de blessures qui auraient pu ne pas leur être fatales, si ils ou elles avaient été correctement nourri-es et soigné-es. La faim affaiblit par ailleurs les soignant-es, et le directeur général de l’UNRWA, Philippe Lazzarini a affirmé ce matin que les médecins, infirmier-es et autres professionnel-les de santé à Gaza « s’évanouissent de faim et d’épuisement » au travail.

Comme l’explique l’écrivaine et enseignante Alaa Arafat dans un article écrit pour Al Jazeera, la famine n’est pas une conséquence malheureuse du génocide, c’est une stratégie génocidaire. Elle vise à affaiblir durablement les habitant-es de Gaza, car elle « affecte la croissance et le développement des enfants et entraîne une prédisposition accrue aux maladies, des difficultés d’apprentissage, des troubles cognitifs et des problèmes psychologiques. »

« En affamant les enfants palestinien-nes, en les privant d’éducation et de soins de santé, l’occupation vise un seul objectif : créer une génération fragile, faible d’esprit et de constitution, incapable de penser et sans autre horizon que la recherche de nourriture, d’eau et d’un abri. Cela signifie une génération incapable de défendre son droit à la terre et de résister à l’occupant. Une génération qui ne comprend pas la lutte existentielle de son peuple. »

« Le plan de guerre est clair et l’objectif a été déclaré publiquement par les responsables israélien-nes. La question est maintenant de savoir si le monde laissera Israël détruire les enfants de Gaza. »

Source : Agence Média Palestine