Des proches du journaliste palestinien Mohamed Abu Hatab lors de ses funérailles. Le 2 novembre 2023, Mohamed Abu Hatab et plusieurs membres de sa famille sont mort à Khan Younès, dans la bande de Gaza, après un bombardement de l'armée israélienne sur leur bâtiment. AFP - MAHMUD HAMS
« Chaque matin quand je me réveille, je pense que c'est peut-être le dernier jour de ma vie », témoigne depuis la bande de Gaza Maha Hussaini, journaliste palestinienne.
Il n’y a jamais eu autant de gilets portant le logo « presse » ensanglantés que depuis le 7 octobre 2023. Et les journalistes qui sont toujours en vie, qui travaillent malgré les coupures d’électricité et d’internet, qui sont souvent déplacés comme Maha Hussaini, sont désormais craints des populations car ils sont devenus de véritables cibles de l’armée israélienne : « Ma simple présence en tant que journaliste fait courir des risques à mon entourage. »
Une décennie s’est écoulée après l’adoption par l’Assemblée générale de l’ONU de la résolution « La sécurité des journalistes et la question de l’impunité », proclamant à la date du 2 novembre* la Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre des journalistes. Cette résolution exhorte les États membres à prendre des mesures précises pour combattre la culture actuelle d’impunité.
Elle condamne, entre autres, toutes les attaques et violences perpétrées contre des journalistes et des travailleurs des médias, exhorte les États membres à faire tout leur possible pour prévenir cette violence, en rendre compte, traduire en justice les auteurs des crimes commis, et veiller à ce que les victimes disposent de recours appropriés.
Un black-out médiatique délibéré
Dans la bande de Gaza, la présence de journalistes étrangers est interdite par Israël, sauf si ces derniers sont « embarqués » aux côtés de l’armée israélienne. Armée qui contrôle par la suite chaque image et chaque son et qui donne, ou pas, l’autorisation de diffusion. Ainsi depuis plus d’un an, seuls les journalistes palestiniens qui étaient présents lors du déclenchement de la guerre, et qui sont bloqués sur le territoire, peuvent documenter ce qu’il s’y passe. Ils sont présents sur la quasi-totalité de l’enclave pour témoigner du drame qui s’y déroule, qu’ils vivent eux-mêmes, et qui a fait plus de 43 000 morts et plus de 100 000 blessés depuis le 7 octobre 2023.
Pour Israël, un accès aux journalistes internationaux sur le territoire « met en péril les forces en action sur le terrain et la sécurité des soldats », en dévoilant par exemple leur localisation. C'est donc un black-out médiatique international.
Des rédactions détruites volontairement
Pour empêcher l'information de circuler librement, l’armée israélienne vise particulièrement les locaux des rédactions. Dès le 19 octobre 2023, une frappe détruit une rédaction éphémère sous tente abritant des équipes de la BBC, Reuters, Al Jazeera, l'AFP, et des agences de presse locales, à proximité de l'hôpital Nasser de Khan Younès. Le 2 novembre suivant, l’armée israélienne bombarde dans la ville de Gaza les tours abritant plusieurs médias internationaux, dont la célèbre tour Hajji qui abrite les locaux de l’AFP. Le 2 novembre, c'est-à-dire le jour de la Journée internationale de la fin de l’impunité pour les crimes commis contre des journalistes.
Quelques mois plus tard, début 2024, c’est au tour de la Maison de la presse à Gaza, soutenue financièrement par la Norvège et la Suisse, d’être anéantie. « Lorsqu’il y a une forte probabilité qu’un crime de guerre soit commis, le flux en direct devient évidemment une preuve essentielle », explique Irene Khan, rapporteur spécial des Nations unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression.
Le collectif Forbidden Stories, qui a coordonné une enquête impliquant cinquante journalistes de treize médias internationaux, révèle en juin dans « Gaza Project » que les bombardements israéliens sont délibérés et ciblés, contrairement au discours officiel israélien affirmant que ces locaux ont été classés comme « à ne pas cibler ».
Des journalistes délibérément ciblés
Des bâtiments mais aussi les journalistes. « Parce que nous sommes la voix des victimes, nous sommes délibérement ciblés », observe Maha Hussaini depuis Deir el-Balah. Dans la bande de Gaza, porter un gilet estampillé « Press » et un casque fait courir des risques mortels. Depuis le 7 octobre 2023, dès qu’un journaliste y est tué, RSF enquête. « On essaie de savoir d'abord s'ils sont vraiment journalistes et pour quels médias, explique Jonathan Dagher, responsable du bureau Moyen-Orient de RSF. Puis ce qu'ils faisaient quand ils ont été tués. Après on essaie d'avoir des témoignages sur les crimes, s'il y a eu des témoins, pour essayer de savoir s'ils ont été tués dans l'exercice de leurs fonctions ou s'ils ont été ciblés. »
L’enquête de Forbidden Stories montre qu’au moins 40 journalistes ou travailleurs des médias ont été tués alors qu’ils se trouvaient à leur domicile, quatorze ont été tués ou blessés ou présument visés alors qu’ils portaient leur veste de presse à Gaza, en Cisjordanie ou dans le sud du Liban, 18 ont été tués ou blessés dans des frappes de drones à Gaza. Quatre ont été tués ou blessés dans des frappes de drones alors qu’ils portaient leur gilet « presse ». Et au moins 40 journalistes travaillant pour des médias affiliés au Hamas ont été tués, selon cette étude.
L’armée israélienne réfute ces accusations et répond au consortium avoir respecté ses règles d’engagement, « conformes au droit israélien et au droit international ». Elle argue régulièrement que s’ils ont été tués, c’est parce qu’ils étaient au mauvais endroit au mauvais moment ou bien tout simplement qu’ils n’étaient pas journalistes. « Les journalistes à Gaza sont des journalistes, des locaux pour la plupart, qui travaillent pour des chaînes locales et internationales. Ils ont durant plus d'un an fait preuve de professionnalisme. C’est grâce à eux qu'on a accès à ce qui se passe dans la bande de Gaza », insiste le responsable du bureau Moyen-Orient de RSF.
« Certains médias occcidentaux très favorables à Israël remettent en cause notre objectivité, mais nous sommes également des victimes », rappelle Maha Hussaini. Le palmarès de l’édition 2024 du prestigieux prix Bayeux des correspondants de guerre a fait la part belle aux journalistes de la bande de Gaza, dont Rami Abou Jamous qui a remporté trois récompenses pour son « journal de bord » depuis le territoire asphyxié.
L’enquête de Forbidden Stories montre qu’au moins 40 journalistes ou travailleurs des médias ont été tués alors qu’ils se trouvaient à leur domicile, quatorze ont été tués ou blessés ou présument visés alors qu’ils portaient leur veste de presse à Gaza, en Cisjordanie ou dans le sud du Liban, 18 ont été tués ou blessés dans des frappes de drones à Gaza. Quatre ont été tués ou blessés dans des frappes de drones alors qu’ils portaient leur gilet « presse ». Et au moins 40 journalistes travaillant pour des médias affiliés au Hamas ont été tués, selon cette étude.
L’armée israélienne réfute ces accusations et répond au consortium avoir respecté ses règles d’engagement, « conformes au droit israélien et au droit international ». Elle argue régulièrement que s’ils ont été tués, c’est parce qu’ils étaient au mauvais endroit au mauvais moment ou bien tout simplement qu’ils n’étaient pas journalistes. « Les journalistes à Gaza sont des journalistes, des locaux pour la plupart, qui travaillent pour des chaînes locales et internationales. Ils ont durant plus d'un an fait preuve de professionnalisme. C’est grâce à eux qu'on a accès à ce qui se passe dans la bande de Gaza », insiste le responsable du bureau Moyen-Orient de RSF.
« Certains médias occcidentaux très favorables à Israël remettent en cause notre objectivité, mais nous sommes également des victimes », rappelle Maha Hussaini. Le palmarès de l’édition 2024 du prestigieux prix Bayeux des correspondants de guerre a fait la part belle aux journalistes de la bande de Gaza, dont Rami Abou Jamous qui a remporté trois récompenses pour son « journal de bord » depuis le territoire asphyxié.
Al-Jazeera en ligne de mire
En juillet dernier, l’armée a tout de même ouvertement revendiqué l’assassinat du journaliste d’Al-Jazeera Ismaïl al-Ghoul, 27 ans, se targuant sur X– anciennement Twitter –, d’avoir éliminé « un terroriste » et « un journaliste ».
Depuis plus d’un an, Al-Jazeera diffuse en direct le drame qui se déroule dans la bande de Gaza, 24h/24, grâce à son immense réseau de journalistes présents sur le territoire assiégé. Mais la chaîne internationale qatarienne est dans le viseur des autorités israéliennes depuis bien longtemps et subit de nombreuses menaces et pressions de Tel Aviv. En 2022, une reporter palestino-américaine de la chaïne Shireen Abu Akleh est tuée d’une balle dans la tête par un soldat israélien alors qu’elle couvre une opération militaire à Jénine, en Cisjordanie.
Anne Bernas, journaliste à RFI.
Mahamad Safa :
- "Nombre de journalistes tués dans les guerres
Vietnam : 63 journalistes en 20 ans.
Seconde Guerre mondiale : 67 journalistes en 7 ans.
Gaza et Liban : 193 journalistes en 1 an.
Cela viole l'article 79 du Protocole additionnel des Conventions de Genève, mais le droit international ne s'applique clairement pas à Israël."
Paris, 2 novembre 2024, "des manifestants se sont rassemblés en soutien aux journalistes palestiniens et libanais dans le cadre de la journée internationale de la fin de l'impunité pour les crimes contre les journalistes." Ilan Gabet.
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Mahamad Safa :
- "Nombre de journalistes tués dans les guerres
Vietnam : 63 journalistes en 20 ans.
Seconde Guerre mondiale : 67 journalistes en 7 ans.
Gaza et Liban : 193 journalistes en 1 an.
Cela viole l'article 79 du Protocole additionnel des Conventions de Genève, mais le droit international ne s'applique clairement pas à Israël."
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