dimanche 20 avril 2025

Les églises d’orient contre le sionisme chrétien




Le patriarche grec orthodoxe de Jérusalem, Théophile III, devant l’église du Saint-Sépulcre


Ceux qui s’intéressent au sionisme ont pu apprendre que le sionisme chrétien a précédé le sionisme politique juif. Quand on dit ici chrétien, on entend protestant. Ce sionisme chrétien est particulièrement vigoureux aux Etats Unis où il est porté par des églises évangéliques (il y a des exceptions) qui rassemblent des millions de fidèles. Ces églises évangéliques sont très prosélytes et sont désormais bien implantées en Amérique Latine où elles prennent des fidèles à l’église catholique et en Afrique. Pour ce dernier continent, on a vu l’influence que peuvent exercer ces églises si on considère que Julia Sebutinde, la seule juge de la Cour Internationale de Justice avec le magistrat de l’entité qui a voté contre l’arrêt de cette juridiction sur le génocide à Gaza, est une magistrate ougandaise affiliée à une de ces églises. Ce christianisme évangélique cherche aussi à s’implanter en terre d’Islam , au Maghreb notamment.

Non seulement ces églises évangéliques appartiennent au courant religieux à l’origine du sionisme mais elles peuvent avoir en leur sein des cadres qui sont certes sionistes mais pas chrétiens du tout comme on a pu le voir avec David Brog qui dirigeait l’organisation Christians United For Israel (CUFI). David Brog n’est autre que le cousin d’Ehud Barak, un ancien général et premier ministre de l’entité sioniste.

Lors de l'iftar interreligieux du roi de Jordanie, les dirigeants orthodoxes et catholiques ont attaqué le sionisme chrétien

Un dirigeant chrétien évangélique palestinien avait auparavant pris la parole, qualifiant le mouvement de «théologie de remplacement hérétique qui a remplacé Jésus par Israël».

Par Daoud Kuttab, Religionnews - 19 mars 2025 - traduit de l’anglais par Djazaïri

AMMAN, Jordanie (RNS) — L'iftar annuel du roi Abdallah II est devenu un événement très attendu du Ramadan où les membres de la famille royale, les chefs religieux et les notables locaux, ainsi que le président palestinien Mahmoud Abbas et les membres clés de son gouvernement, sont tous invités à rompre la journée de jeûne avec un dîner au palais royal.

Alors que la période de jeûne musulman coïncide avec le Carême chrétien cette année, le contingent habituel de dirigeants chrétiens était particulièrement présent le 11 mars, avec le patriarche grec orthodoxe Théophile III de Jérusalem et William Hanna Shomali, évêque auxiliaire du patriarcat latin, rejoignant Muhammad Hussein, le grand mufti de Jérusalem, au repas, qui comprenait des plats de carême habituels pour les chrétiens.

Le geste consistant à offrir des aliments du Carême lors d'un iftar a été bien accueilli. Les dirigeants chrétiens ont vivement dénoncé la montée du sionisme chrétien dans les pays occidentaux – un soutien chrétien à Israël fondé sur des croyances bibliques, notamment des prophéties apocalyptiques – et son influence négative sur la paix et la justice au Moyen-Orient.

Théophile a souligné l'importance du rôle du roi en tant que gardien des lieux saints musulmans et chrétiens à Jérusalem et a averti que la présence chrétienne en Terre Sainte était confrontée à des attaques organisées de la part d'extrémistes israéliens et à la pression exercée par Israël sur des biens historiquement chrétiens. Mais l'essentiel de ses remarques était de mettre en garde contre la menace croissante posée par le sionisme chrétien, qu'il a qualifié de «mouvement fondamentaliste qui interprète et détourne le message chrétien à des fins politiques».

Dans un bref discours, l'évêque Shomali a abondé dans le sens de Théophile, déclarant : «L'Église catholique n'accepte pas la consécration de la terre de Palestine au nom du peuple juif sur la base de la Torah, comme le prétend le sionisme chrétien en Amérique. La Torah n'a jamais été un acte de propriété foncière validant la terre pour une personne au détriment d'une autre. Au contraire, ce livre religieux appelle à soutenir les pauvres, les nécessiteux et les opprimés, et à l'instauration de la justice et de la paix sur terre. Le peuple palestinien n'acceptera pas d'autre patrie que la Palestine, même s'il est béni dans les paradis d'Orient et d'Occident. »

Shomali a souligné la symbolique du repas partagé. «L'invitation de Sa Majesté aux chefs religieux musulmans et chrétiens de Jérusalem à rompre le jeûne à sa table est un appel à la fraternité et à la coexistence. Frères et amis sont ceux qui s'assoient à une même table et partagent un repas. Son offrande de nourriture de Carême aux chrétiens témoigne de son respect pour nos sensibilités religieuses. Chacun jeûnait, mais à sa manière», a souligné l'évêque .

Le sionisme chrétien est un nouveau sujet pour la politique jordanienne. Il a été évoqué pour la première fois le 17 décembre, lors d'une audience avec le roi, alors qu'il présentait ses vœux de fêtes aux chrétiens de Jordanie, de Palestine et du monde entier. À cette occasion et lors de l'iftar du 11 mars, le prince Ghazi bin Muhammad, conseiller principal du roi pour les affaires religieuses et culturelles et envoyé personnel, était présent.

.En janvier, le prince Ghazi a inauguré un événement sur le site traditionnel du baptême de Jésus, sur la rive est du Jourdain. Une quarantaine d'universitaires de renommée internationale se sont réunis pendant trois jours pour débattre de la manière dont un phénomène religieux largement politisé alimente et justifie la poursuite de la guerre, de la famine et de l'occupation de la Palestine. Cette conférence visait à offrir aux experts une plateforme pour discuter de l'intersection entre théologie, histoire et politique dans l'élaboration des discours et des politiques religieuses.

«Le sionisme chrétien ne se limite pas à un groupe spécifique, comme les évangéliques, ni à une région spécifique, comme les États-Unis. Son danger réside dans le fait qu'il bénéficie du soutien de nombreuses personnes dans la plupart des pays du monde », a déclaré le modérateur de la cérémonie d'ouverture, le révérend Mitri Raheb, fondateur et président de l'université Dar al-Kalima de Bethléem.

Des intervenants palestiniens ont évoqué les défis d'être un chrétien évangélique palestinien. «Le terme "évangélique" a été terni par l'association des évangéliques avec les criminels de guerre israéliens », a déclaré Jack Sara, président du Bethlehem Bible College. Il a blâmé le sionisme chrétien, le qualifiant de «théologie de remplacement hérétique qui a remplacé Jésus par Israël ».

Pendant des années, le roi de Jordanie et son gouvernement se sont tenus à l'écart des questions théologiques, notamment celles concernant la foi chrétienne. Mais la montée du nationalisme religieux dans plusieurs régions du monde a encouragé les sionistes chrétiens aux États-Unis et ailleurs dans le monde à accorder à Israël une justification sans appel pour la poursuite de la guerre à Gaza et a imposé un changement de politique à Amman.

Le président américain Joe Biden avait ses propres raisons politiques, et peut-être personnelles, de soutenir aveuglément Israël pendant la première année et plus de la guerre. Mais l'influence des sionistes chrétiens se fait sentir dans l'accélération par la Maison Blanche de la politique américaine de discrimination contre les musulmans et les chrétiens palestiniens. Ces événements suscitent l'inquiétude au Moyen-Orient, car le pays le plus puissant du monde est encouragé à violer le droit international et n'avance que des justifications religieuses, le cas échéant.

Les sondages montrent que le niveau de soutien des évangéliques blancs américains à Israël a dépassé celui des juifs américains. Les fondamentalistes chrétiens américains ont appelé au nettoyage ethnique de Gaza et au changement de nom de la Cisjordanie palestinienne en Judée-Samarie, comme on l’appelait à l'époque biblique, signe clair de leur soutien à l'annexion des territoires palestiniens par Israël. La Jordanie a déclaré qu'une telle annexion, qui déstabiliserait davantage le Moyen-Orient, équivaudrait à une déclaration de guerre.

(Daoud Kuttab, journaliste palestinien primé, est l'éditeur de Milhilard.org. Son livre « State of Palestine NOW » est disponible sur Amazon . Les opinions exprimées dans ce commentaire ne représentent pas nécessairement celles de RNS.)

Par Dziri.

Source : Mounadil al Djazaïri