samedi 7 juin 2025

"Permis de tuer à Gaza" : lobby pro-israélien, harcèlement. Pascal Boniface dénonce les pressions subies





Entretien avec Pascal Boniface, directeur de l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS), autour de son dernier ouvrage percutant : "Permis de tuer – Gaza, génocide, négationnisme et hasbara", paru aux éditions Max Milo.

Dans un contexte marqué par une guerre génocidaire à Gaza, Pascal Boniface revient sans détour sur le traitement médiatique en France, les dérives du discours politique , et la manière dont le droit international est trop souvent bafoué quand il s’agit du peuple palestinien. Il dénonce les logiques de disqualification intellectuelle, les campagnes de diabolisation, mais aussi l’invisibilisation de voix juives critiques et de tout soutien aux droits des Palestiniens. Un échange dense, sans langue de bois, où il est question de l’influence de la hasbara (propagande israélienne), de l’évolution des rapports franco-israéliens, et des effets délétères de certains silences politiques. Un entretien à découvrir absolument, pour mieux comprendre les mécanismes d’opinion et les enjeux de justice autour du génocide en cours à Gaza.

Compte rendu de l’entretien avec Pascal Boniface

Dans son ouvrage "Permis de tuer : Gaza, génocide, négationnisme et hasbara", Pascal Boniface, directeur de l’IRIS, analyse la situation à Gaza à travers le prisme du droit international, du traitement médiatique et des dynamiques politiques françaises. Il défend une position fondée sur les principes juridiques universels, refusant les étiquettes partisanes.

Un positionnement éthique et juridique, pas partisan

Pascal Boniface commence par rappeler qu’il ne se considère ni pro-palestinien ni anti-israélien, mais défenseur du droit international et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Il dénonce le double standard des puissances occidentales qui, selon lui, appliquent le droit de manière sélective : fermes envers la Russie en Ukraine, mais complaisantes envers Israël à Gaza.

Un traitement médiatique déséquilibré

L’auteur critique un biais médiatique pro-israélien, qu’il qualifie de “biais occidentaliste”. Il rejette les thèses conspirationnistes sur une domination juive des médias, en soulignant que de nombreux intellectuels juifs favorables au droit international sont eux-mêmes marginalisés. Ce biais serait alimenté par la peur des attentats, un racisme anti-arabe latent et une mémoire européenne centrée sur la Shoah, contrastant avec celle du Sud global, marquée par la colonisation.

Un lobby pro-israélien puissant et transversal

Pascal Boniface affirme qu’il n’existe pas de “lobby juif”, mais bien un lobby pro-israélien en France, composé de personnes juives et non juives. Ce réseau, selon lui, agit pour étouffer le soutien diplomatique à la Palestine. Il critique le soutien “inconditionnel” à Israël, rappelant que tout attachement à un pays, y compris le sien, doit rester conditionné au respect du droit.

La hasbara : une stratégie d’influence déployée en France

L’un des chapitres du livre porte sur la hasbara, stratégie de communication israélienne. Il y cite l’association Elnet, qui organise des voyages pour parlementaires afin de présenter un Israël idéalisé, tout en occultant la réalité de l’occupation. Ces voyages, selon Boniface, visent à influencer les récits politiques français.

La rupture diplomatique française entre 2005 et 2007

Pascal Boniface identifie une rupture dans la politique française entre 2005 et 2007. Jacques Chirac, malgré son opposition à la guerre en Irak, aurait réhabilité les relations avec Ariel Sharon, sous la pression de la lutte contre l’antisémitisme. Cette tendance s’accentue avec l’arrivée de Nicolas Sarkozy, et une majorité de parlementaires deviennent pro-israéliens, y compris l’extrême droite.

Affaire Bouamrane : polémique et instrumentalisation

L’auteur revient sur une polémique personnelle : ses propos sur Karim Bouamrane, maire PS, qu’il avait qualifié de “musulman d’apparence”. Cette expression mal perçue lui a valu une tempête médiatique, masquant selon lui le véritable sujet : le silence de l’élu sur les bombardements à Gaza.

Conclusion : “Être du bon côté de l’histoire”

Malgré les attaques subies, Pascal Boniface affirme préférer avoir pris position contre l’injustice à Gaza. Il conclut qu’il vaut mieux subir les critiques que de rester silencieux face à ce qu’il considère comme des crimes de l’humanité ignorés.