Le réel reprend enfin ses droits. Doucement mais sûrement. La débâcle médiatique depuis le 7 octobre 2023 quant à la situation israélo-palestinienne a été maintes fois analysée, notamment dans les colonnes de Blast. Pendant des mois, tout un narratif a été défendu corps et âmes : la pointe avancée de la civilisation, le droit de se défendre, l’objectif de libération des otages. Problème, le lundi 5 mai, le cabinet de guerre du gouvernement israélien a rendu officiel son projet de destruction et de colonisation de Gaza. Et poursuit son exécution. Des photos d’enfants squelettiques, délibérément affamés par le blocus israélien, arrivent enfin jusqu’aux écoutilles des médias mainstream et viennent rappeler une imagerie abjecte, censée demeurer l’apanage du ténébreux XXe siècle.
Depuis, beaucoup se dévoilent comme indignés. Delphine Horvilleur, rabbine présentée comme « progressiste », qui s’est illustrée ces derniers mois par des invectives constantes envers les soutiens du peuple palestinien, a lancé le mouvement à travers un texte publié dans la revue dont elle assure la rédaction en cheffe. Une initiative reprise par Joann Sfar, puis par Anne Sinclair et une ribambelle de personnalités politiques et médiatiques. Couverture immédiate des médias : « Gaza : des personnalités juives prennent la parole pour dénoncer la situation humanitaire », pouvait-on lire sur le site de France Inter. « Personnalités juives », comme si de nombreux juives et juifs ne s’étaient pas indignés depuis 1 an et demi, et « situation humanitaire », comme si cela tombait du ciel, sans responsabilité.
La trainée de poudre s’est étendue jusqu’au plateau de l’émission de divertissement animée par Léa Salamé sur France 2, Quelle époque, où la présentatrice star s’est sentie obligée d’inviter le médecin humanitaire Raphaël Pitti qui, lui, n’hésite pas à parler de génocide depuis près d’un an maintenant. Pour lui demander s’il est vraiment sûr que les enfants sont affamés. Dans cette même émission, Thierry Ardisson compare Gaza à Auschwitz, et provoque une vaste indignation. Salamé s’excusera, la semaine suivante, d’avoir gardé la séquence au montage. Devant cette série de volte-face, difficile de ne pas être assiégé d’une envie pressante de rappeler un état de fait : pendant plus d’un an et demi, les médias ne se sont pas limités à omettre, occulter, ou oublier. Ils ont participé activement à rendre possible le pire.
Acte 1 : Cadrage
Pendant cette conférence, Judith Butler disserte sur l’antisémitisme et la situation en Palestine. Malgré la notoriété mondiale de cette universitaire, liée à la qualité et l’originalité de ses travaux, une phrase suffit à la condamner à l’excommunication : la qualification des massacres du 7 octobre 2023 comme un « acte de résistance armée ». Une contextualisation, selon elle, indispensable à une analyse pertinente. Et à une condamnation nette et sans bavure : comme le rappelle Butler, toute réponse à une situation d’oppression n’est pas par principe légitime. Que l’on soit d’accord ou non, le geste est relativement simple : une tentative de réinjecter de l’historicité pour mieux comprendre des faits sociaux, aussi immondes soient-ils.
L’extrait de l’intervention, partagé sur les réseaux sociaux, a fait le tour du monde. Avec à la clef un retour de bâton d’une violence rare : Judith Butler est immédiatement renvoyée en dehors des murs de la respectabilité. Dans les colonnes du journal Libération, on peut par exemple lire que « cette nouvelle prise de parole risque en effet de discréditer durablement cette personnalité majeure de la pensée contemporaine ». Voilà la menace : si vous l’ouvrez un peu trop fort sur ce qui se passe en Palestine, vous disparaitrez de l’espace public.
L’anthropologue Stéphanie Latte-Abdallah, reconnue, elle aussi, pour ses travaux, avait fait face au même courroux quelques mois plus tôt : sur le plateau de Public Sénat, elle provoque la consternation agressive des journalistes lorsqu’elle ose expliquer les raisons pour lesquelles le Hamas n’est pas Daesh, et que la qualification « d’organisation terroriste » ne veut pas dire grand-chose. Un point de vue pourtant défendu par l’Agence France Presse (AFP) elle-même qui, avec une certaine sagesse, a pris la décision de ne pas utiliser le terme « terroriste » pour qualifier tout et rien. Une prudence qui n’a pas empêché les grands plateaux de télévision de partir à la chasse aux sorcières : tout le monde se rappelle de la brutalité avec laquelle la position de La France insoumise (LFI), entre autres, de qualifier de « crimes de guerre » les massacres du 7 octobre, s’est vu frappée d’une série d’ignominies. « Condamnez-vous les massacres ? » et surtout « Qualifiez-vous le Hamas d’organisation terroriste qui commet des actes terroristes ? » Dans ces deux sommations étaient concentrées la substantifique moelle du premier acte.
Un martelage qui s’est abattu en dehors de toute rationalité : le fait que le mot « terrorisme » n’ait aucune définition juridiquement admise au niveau international, rendant son usage essentiellement instrumental, a été largement occulté. Derrière cet usage répété se cachait dès lors une confession : pour la plupart des grands médias, les atrocités du 7 octobre ne pouvaient qu’être pure violence. Commise pour elle-même. En dehors d’une quelconque dynamique de luttes. Ne pouvaient être que du « terrorisme », donc, cette appellation pratique pour expurger certains actes de toute temporalité et, peut-être surtout, autoriser les pires ripostes : les gens qui sont violents pour être violents ne méritent plus que la violence.
Par ce maintien hargneux d’un seul qualificatif acceptable, les journalistes, main dans la main avec les politiques d’Israël à Washington en passant par la France, ont fait entrer dans le domaine de l’acceptable la destruction totale et complète de Gaza. Le « terrorisme », cette modalité d’action mobilisée dans l’histoire de l’Irlande à l’Algérie, en passant par le Pays Basque, devenue attribue de la personne. Arabe, bien sûr. Et qu’est-ce qu’un « terroriste », sinon un individu qui, supposément, aurait choisi de faire rupture avec l’espace de la « civilisation », et par extension, avec l’espace de l’humanité ?
L’approbation s’est jouée ici. Elle s’est jouée dans ce processus d’animalisation abjecte de toute une population, à l’image des discours à l’origine des pires entreprises esclavagistes et coloniales. Avec des conséquences de l’ordre de l’indicible, et en s’engouffrant dans un racisme des abysses, nombre de journalistes ont ainsi poursuivi ce qu’ils savaient déjà si bien faire : désubstantialiser la violence physique des groupes subalternes pour mieux légitimer la violence, souvent plus destructrice, des appareils institutionnels et étatiques.
Acte 2 : Détournement
La séquence débute avec la plainte déposée par l’Afrique du Sud auprès de la Cour internationale de justice (CIJ) le 29 décembre 2023. Début de stupéfaction face à une sortie du narratif imposé. Comment est-il seulement possible d’accuser une « démocratie » de commettre un génocide ? La couverture des plaidoiries de chacun des deux pays dévoilait le malaise : seule la défense israélienne a été relatée avec précision par la plupart des médias.
Quand la Cour livre un premier avis le 26 janvier 2024, et évoque un « risque réel et imminent » de génocide, le jeu est sur la ligne de crête. Certains journalistes y voient, étant donné le caractère « préventif » de la formule, une preuve que le crime des crimes n’est pas encore de l’ordre du présent. Les magistrats n’avaient pourtant rien statué de tel, et l’obligation d’empêcher des actes génocidaires ne supposait en rien que de tels actes n’avaient pas déjà été commis. Ainsi d’un radeau troué à partir duquel nombre de voix des grands médias ont pu marteler des mois durant, sans doute en faisant semblant de ne pas comprendre, que la justice « n’avait pas encore statué ». Elle l’avait fait, pour dire que si ça continuait, le génocide serait là, et l’était peut-être déjà d’ailleurs Qu’importe. S’en est suivi un nombre mirobolant de scènes médiatiques où toute prononciation du mot « génocide » entraînait un immédiat brouhaha de réprobation, parfois même jusqu’à une remise en cause des chiffres de décès communiqués par le Hamas. En omettant, bien sûr, de souligner que ceux-ci sont pourtant jugés comme largement sous-évalués par une série d’experts.
Cette digue a commencé à se fissurer lorsque le procureur de la Cour Pénale Internationale (CPI), Karim Khan, a demandé l’émission de mandats d’arrêts à l’encontre de Benjamin Netanyahu, Yoav Gallant, ainsi que de trois dirigeants du Hamas, pour des faits de « crimes de guerre » et de « crimes contre l’humanité ». Et encore plus au moment où ces mandats ont été délivrés, en novembre 2024. Ce tir groupé a forcé l’évolution des différents stratagèmes. Après, bien sûr, la prévisible expression par d’éminents éditorialistes de leur indignation face à un « renvoie dos à dos des bourreaux et des victimes ». « Les victimes », c’est-à-dire Israël.
Accorder la même considération aux « civilisés » et aux « barbares », voilà pour une série de personnalités le comble d’une dérive dans laquelle les institutions judiciaires elles-mêmes finissent dorénavant par s’engouffrer. Comment faire ? Le gouvernement français avait tenu une bien étrange position au travers d’un communiqué teinté d’illégalisme, qui déclarait attribuer à Benjamin Netanyahu une « immunité ». Sous le prétexte fallacieux qu’Israël ne reconnaît pas la Cour Pénale Internationale. Une manière de complexifier l’évidence, car il n’y avait là aucune forme de question : parce qu’il a ratifié le Statut de Rome, l’État français doit tout faire pour honorer ces mandats d’arrêt. Point à la ligne.
D’abord appuyées sur une présumée fidélité au droit et une compréhension tronquée de l’avis livré par la Cour internationale de justice, et ensuite en opposition avec l’émission de mandats d’arrêts à l’encontre des dirigeants israéliens : les voix pour nier l’existence d’un génocide se sont peu à peu faites ennemies de leur allié juridique d’hier. Un mouvement accompagné par les journalistes avec constance, si ce n’est dans leur parole, au moins dans leurs choix d’invités. La galaxie « Printemps Républicain » a sans surprise été une des plus prolifiques en la matière : Raphaël Enthoven, le 12 mai 2024 sur le plateau de BFMTV, déclame que « l’accusation de génocide à Gaza n’a aucune sens ». Frédéric Encel, invité de France Info le 4 juin 2024, dénonce sans aucune réaction du plateau un « galvaudage des termes » et une « hystérisation du débat public », alors même que l’étau judiciaire promettait de se resserrer. Qu’importe : sur le plateau de LCI le 27 mai 2025, Caroline Fourest déplore encore l’utilisation d’un « mot qui sonne faux », et dénonce un « populisme sémantique ». Sous l’écoute studieuse de David Pujadas. Cette parole, aux accents complotistes et sans fondement empirique, a, au cours d’une série de réunions, été considérée comme une position acceptable dont il fallait rendre compte. Dit en d’autres termes, il a été considéré comme un devoir déontologique de rendre audible la négation du pire.
Par un jeu du chat et de la souris, le droit est ainsi resté un prétexte, mobilisé ici et là au doigt mouillé, pour dénier avec constance la perpétration d’un génocide. Geste indispensable pour tenir la première partie du narratif et faire s’estomper le « problème Gaza » dans le rythme incessant de l’actualité. Entre une nouvelle proposition de loi, un fait divers, ou une déclaration de tel ou tel dirigeant politique. Gaza et ses milliers de morts, enfants, vieillards, femmes et hommes, comme une toile de fond, évoqués éventuellement en fin de journal. Le poids du mot génocide était dans cette configuration trop fort : il induisait, si accepté, un chamboulement total et complet des programmes.
En toute logique dès lors, les productions parajuridiques qui se sont succédé pour détailler le processus génocidaire, des communications de la rapporteuse spéciale de l’ONU Francesca Albanese jusqu’aux rapports d’ONG comme Amnesty International, ont été savamment ignorées. L’éléphant au milieu de la pièce s’est trouvé devenir, au fil des mois, transparent.
Acte 3 : Atterrissage
Deux faits majeurs semblent l’avoir motivé : la clarification par le gouvernement israélien de sa volonté destructrice, et la pénétration de la souffrance et du désarroi à l’intérieur même des hautes sphères de la petite société. Pour ce qui est du premier élément, le commentaire tombe sous le sens. Ce n’est pas la souffrance palestinienne, les dizaines de milliers de morts, la destruction systématique de tout le bâti et de toutes les infrastructures sanitaires, scolaires, alimentaires, qui ont provoqué l’indignation des médias. Cette indignation aurait depuis longtemps, si tel avait été le cas, saturé tous les canaux de diffusion. Il a fallu attendre l’officialisation par un gouvernement génocidaire de sa volonté de commettre un génocide pour qu’une série de journalistes se disent qu’il n’est peut-être pas délirant, tout compte fait, d’employer ce mot.
Un geste qui s’apparente à une inversion criminelle de la logique d’administration de la preuve : sans déclaration politique préalable, le réel n’existe pas. Ou alors : le réel ne devient réel que lorsqu’un responsable politique le formule. Et le formule avec une limpidité indiscutable. Car les déclarations génocidaires des responsables israéliens ne datent en rien d’hier, et une série de faits tout à fait univoques permet, sans grand doute et déjà depuis la fin d’année 2023, d’y voir clair sur la motivation de fond. Il n’a jamais été question de libérer les otages ou d’annihiler le Hamas, mais bien de détruire toute une population et de la pousser à déguerpir en laissant derrière elle sa terre. L’accélération constante de la colonisation en Cisjordanie témoigne, elle aussi, de l’évidence de cette finalité.
Le second élément réclame de saisir les mécanismes sociaux qui encadrent le maintien des « hiérarchies des vies ». À partir d’une observation simple : depuis le début du génocide, le sort des Palestiniens n’a eu que peu d’impact direct sur le train de vie de la plupart de ceux qui ont comme mission professionnelle supposée de rendre compte du réel. Un chamboulement relatif de cet état de fait a fini par surgir, à travers le champ culturel. L’agression par des colons et l’arrestation par la police de Hamdan Ballal, coréalisateur du film oscarisé No other land, a provoqué une mesurée colère planétaire. À juste titre, mais avec, en creux, la confession d’une certaine empathie sélective : massacrer des inconnus « barbares », c’est une chose, mais s’attaquer à des artistes, réalisateurs, reconnus comme importants à l’intérieur même de la hiérarchie symbolique occidentale, voilà une frontière franchie.
L’abject et odieux meurtre par l’armée israélienne de Fatima Hassouna, photojournaliste palestinienne et protagoniste du film Put Your Soul on Your Hand and Walk, présenté au Festival de Cannes, a accentué la dynamique. Pour bien des journalistes, consciemment ou non, toutes les vies ne se valent pas. Un jeune inconnu démembré par les bombes au cœur de Gaza n’est pas la même « perte » pour l’humanité qu’une photographe honorée dans un documentaire présenté dans le festival de cinéma le plus célèbre du monde.
Cette position morale qui légitimise le principe de domination de quelques-uns sur tous les autres se retrouve, semble-t-il, être une seconde raison pour laquelle le sujet « Gaza » est venu davantage s’immiscer sur des plateaux types C à vous ou Quelle époque. Et ce avec un centre de gravité nouveau : Raphaël Pitti a enfin fini par être invité sur France 2 et dans d’autres émissions de grande écoute. Rony Brauman, ancien président de Médecins Sans Frontières, a fait son retour sur le plateau de C ce soir. Leurs paroles ont pu se déployer dans un relatif calme, mais toujours ponctuées de certaines coupures : « vous utilisez le mot génocide » souligne par exemple Karim Rissouli à l’encontre de Brauman, comme si ce qualificatif n’est pas censé être dorénavant la norme, et son esquive l’exception.
Avec l’atterrissage, la tentative de grand sauvetage. Maintenant que des « personnalités juives » jugées respectables ont pris la parole, chacun essaie de laver son honneur. On voit par exemple réapparaître Alain Finkielkraut dans les colonnes du Monde : « Avec sa volonté d’éradiquer le Hamas, le gouvernement de Benyamin Nétanyahou mène une guerre atroce, refuse toutes les propositions de cessez-le-feu et sacrifie délibérément les otages », appuie-t-il. Une soudaine indignation, par le même qui, en octobre 2024, déclarait que : « (…) le mot de génocide est fou, ignoble. Il permet de nazifier les Juifs, de leur faire perdre leur crédit victimaire et ainsi les faire basculer dans le camp des bourreaux. ».
Emmanuel Macron semble lui aussi tout à coup très en colère, et enchaîne donc les déclarations à l’emporte-pièce. Le « Ce n’est pas à un responsable d’employer ce terme (génocide, ndlr). C’est aux historiens en temps voulu » a été une première tentative. Ratée, sans aucun doute, car comme beaucoup de spécialistes l’ont souligné, ces mots sont une contre-vérité complète. Les historiens ont déjà parlé et, au nom de la Convention consacrée, les responsables politiques sont dans l’obligation absolue de faire en sorte d’empêcher d’éventuels génocides d’avoir lieu. Tout faux.
Quelques jours plus tard, comme pour annoncer un basculement, le journal Le Monde écrit : « Emmanuel Macron prend la tête d’un mouvement de condamnation inédit de la guerre à Gaza (…) ». Un titre percutant, mais un article qui dévoile que ce « mouvement de condamnation inédit » se limite toujours aux mots et n’est en réalité qu’un début de projet de remise en cause de l’accord économique entre l’Union européenne et Israël. Toujours l’équivalent donc, à ce stade, de l’agitation d’un parcimonieux drapeau blanc depuis le chic balcon du palais de l’Élysée. Macron continue de brasser de l’air.
Dans Libération, Thomas Legrand se réjouit quant à lui d’un « réveil salutaire d’Anne Sinclair et Delphine Horvilleur », avant d’embrayer : « Avoir laissé à LFI le monopole de la radicalité sur ce sujet est une faute intellectuelle. » Même pour ce qui est de la dénonciation d’un génocide, la politique politicienne ne disparaît pas. Conspuer les uns pour protéger les autres : le même Thomas Legrand avait salué, quelques semaines plus tôt, le mea culpa de Yaël Braun-Pivet avouant enfin avoir eu tort de déclarer un « soutien inconditionnel » à Israël au « nom du peuple français ». Heureusement, des traces indélébiles demeureront : la visite photographiée en Israël de la présidente de l’Assemblée nationale en compagnie d’Éric Ciotti et Meyer Habib, à la fin octobre 2023, ponctuera, on l’espère, les livres d’histoire de demain. Et provoquera sans doute la saine réaction des élèves devant ce spectacle de la honte : comment a-t-on pu laisser faire ça ?
https://www.blast-info.fr/articles/2025/genocide-a-gaza-le-grand-retournement-uXFjjJA9RfiibufbAsSQOQ