lundi 2 juin 2025

Cisjordanie : la journaliste française Amira Souilem et ses collègues palestiniens ciblés par un tir israélien


Amira Souilem, correspondante en Cisjordanie pour RFI et France 24, et ses confrères palestiniens ont été pris pour cible par l’armée israélienne.

Les journalistes palestinien sont massivement ciblés par des tirs de l'armée israélienne, au mépris du droit international.


Mercredi 28 mai, Amira Souilem, correspondante de France Médias Monde en Cisjordanie, a été la cible, avec une équipe de journalistes palestiniens, de tirs israéliens. Leur voiture était pourtant dûment identifiée « presse », avec, à l’avant, deux journalistes qui portaient des gilets pare-balles également floqués.

La reporter a pu vérifier, une fois de plus, les conditions impossibles d’exercice dans cette région du monde. La société des journalistes de RFI et le SNJ-CGT de France Médias Monde protestent vivement et souhaitent interpeller la Fédération européenne des journalistes.

Jointe par téléphone, Amira Souilem raconte cette séquence hallucinante, au terme de trois mois de reportage pour le compte de RFI et de France 2. Ce travail, elle le fait pour témoigner des conditions d’exercice effroyables des journalistes palestiniens, en trois séquences : un reportage dans une école de journalistes à Jénine, une visite à la famille d’Ali Samoudi, « l’un des plus grands journalistes palestiniens, emprisonné depuis fin avril. Il avait été blessé il y a trois ans par une balle dans le dos aux côtés de la reporter palestino-américaine d’Al Jazeera Shireen Abou Akleh, morte après avoir reçu une balle dans le cou », raconte Amira.

« Ouf, ils n’ont pas prévu de nous tuer aujourd’hui »

Comme troisième élément, elle devait suivre dans son travail le journaliste palestinien de 33 ans Mohamad Mansour. « Je l’ai choisi parce qu’il s’est déjà pris une balle de sniper qui lui a traversé l’avant-bras l’an dernier », précise la reporter. Pendant le tournage, d’autres journalistes le préviennent d’une opération à proximité. « Il a sorti son casque et son gilet pare-balles de la voiture » pour s’y rendre sur le champ, témoigne Amira Souilem.

Elle avoue ne pas en mener large à ce moment-là : « La semaine dernière, l’armée israélienne a tiré sur des diplomates européens. Ils n’ont pas de limite », s’inquiète-t-elle. Le conducteur et son passager sont dûment identifiés comme journalistes, quand un tir retentit. La voiture a aussitôt reculé. Il s’agissait certes d’un tir de sommation, mais Mohamad s’est exclamé : « Ouf, ils n’ont pas prévu de nous tuer aujourd’hui. »

L’affaire a beaucoup ému au sein de France Médias Monde. La société des journalistes de RFI et de France 24 a protesté dans un communiqué, dès dimanche, pour dénoncer « l’intimidation inacceptable » de cette équipe. « Les attaques et les pressions sur les journalistes en Cisjordanie occupée ont drastiquement augmenté, et entravent la couverture d’un conflit qui s’aggrave de jour en jour », relève la SDJ.

De son côté, le SNJ-CGT « dénonce ces intimidations et apporte son total soutien aux journalistes visés et à tous les innocents du peuple palestinien ». « Informer n’est pas un crime », rappelle le syndicat, qui exige « le respect du droit international et la protection effective en zone de conflit ». « Tirer sur les journalistes, les mettre en danger, est une ligne rouge. »

Amira Souilem, de son côté, est admirative du travail fourni par ses collègues palestiniens : « La peur est là, évidemment », relève-t-elle. « Et ils ont conscience des dangers. Mais pour eux, pendant ce tournant historique pour leur peuple, il est obligatoire de témoigner et de documenter, quels qu’en soient les risques. »