Après l’Australie, le Royaume-Uni et le Canada, qui ont annoncé ce dimanche leur reconnaissance de l’État de Palestine, la France s’apprête à suivre le mouvement, en reconnaissant ce soir, depuis la tribune de l’Assemblée générale des Nations Unies, l’État de Palestine.
Une telle annonce pourrait paraître historique, comme si elle consacrait une fracture au sein du bloc occidental autour de la guerre génocidaire menée contre les Palestiniens de Gaza et la solution à deux États. Mais, en réalité, il ne s’agit pour le moment que d’un geste symbolique, incapable d’empêcher l’ordre colonial israélien dans la poursuite de son projet d’effacement des Palestiniens. Preuve de ce mépris israélien, dès hier, le Premier ministre Netanyahou adressait aux États occidentaux un message sans ambiguïté : « J’ai un message clair pour ces dirigeants : cela n’arrivera pas. Aucun État palestinien ne verra le jour à l’ouest du Jourdain. » Dans la foulée, des ministres de l’extrême droite nationaliste appelaient à « l’annexion des terres de la patrie du peuple juif », tandis qu’à Gaza cinquante Palestiniens étaient tués, ajoutant au bilan déjà insoutenable d’au moins 100 000 morts, sans doute plus.
Cette impunité totale résulte de décennies de complicité et d’hypocrisie occidentales. Ce sont ces puissances occidentales, prétendant aujourd’hui reconnaître la Palestine, qui ont armé, financé et légitimé Israël et son projet colonial, transformant Gaza en cimetière à ciel ouvert. Après avoir entretenu ce cycle de dépossession et de destruction, elles cherchent désormais à se blanchir à peu de frais par une reconnaissance tardive et sans portée réelle, d’un État que l’occupation empêche toujours d’exister.
Reconnaître la Palestine, tout en laissant un génocide se dérouler sous nos yeux, c’est prolonger le cynisme : satisfaire ses opinions publiques tout en préservant son allié Israël et en le laissant parachever son projet colonial et génocidaire jusque dans les ruines de Gaza. Toute reconnaissance d’un État de Palestine sans l’adoption de sanctions, qui soient réellement dissuasives, se cantonne donc au registre du symbolique. Les obligations internationales des États ne se limitent pas à une déclaration : elles imposent l’application des ordonnances de la CIJ et des résolutions de l’AG, qui rappellent l’obligation de ne pas prêter aide ou assistance au maintien d’une situation illicite.
Pourtant, en France, certains intellectuels entretiennent le fantasme de cette reconnaissance qu’ils savent pourtant symbolique, relayant un discours dominant qui réduit la question palestinienne à une solution illusoire, qu’ils savent dépourvue de tout effet concret. Par ex, affirmer que cette reconnaissance permettrait aux Palestiniens de disposer d’un passeport et de ne plus être considérés comme réfugiés est faux : le statut de réfugié peut être attribué à une personne disposant d’un passeport, car il ne dépend pas de l’existence de celui-ci. Il est tout aussi erroné d’affirmer qu’une telle reconnaissance renforcerait les capacités juridiques de la Palestine sur la scène internationale, en lui permettant, par exemple, de se présenter enfin seule devant la Cour internationale de Justice. Depuis 2012, avec son statut d’État non membre observateur, la Palestine dispose déjà de cette faculté. Elle l’a d’ailleurs exercée : en 2018, elle a introduit une instance contentieuse contre les USA après le transfert de leur ambassade de Tel Aviv à Jérusalem, et elle a récemment déposé une demande d’intervention en tant qu’État dans l’Affaire du génocide portée par l’Afrique du Sud.
Surtout, cette reconnaissance traduit une posture néocoloniale. Dans la question palestinienne, la société internationale occulte l’essentiel : le droit d’un peuple colonisé à l’autodétermination. Il appartient ici au peuple palestinien, et lui seul peut définir les modalités de son exercice. Or, la reconnaissance d’un État palestinien limité aux frontières de 1967 – Cisjordanie, Jérusalem-Est et bande de Gaza – impose de l’extérieur une solution à deux États comme unique horizon politique. Cette imposition, sans consultation du peuple concerné, relève d’une logique coloniale : elle consiste à décider à la place du peuple qui subit l’oppression.
La même posture néocoloniale ressort des conditions imposées, à savoir notamment un État palestinien démilitarisé, quand dans le même temps l’État d'Israël peut demeurer structurellement colonial et sa population palestinienne soumise à un ensemble de lois d'apartheid.
Prétendre que cette solution suffirait à mettre fin au projet colonial est une illusion, qui passe sous silence des questions fondamentales. Qu’en est-il du droit au retour des millions de réfugiés palestiniens, reconnu par le droit international, mais bafoué depuis 1948 ? Comment parler d’État palestinien alors qu’Israël contrôle, en pratique, l’ensemble de la Palestine historique et poursuit son annexion rendue possible par l’hypocrisie et la complicité occidentales ?
Un État reconnu dans les discours ne vaut rien si, dans le même temps, son peuple continue d’être enterré sous les décombres avec le soutien actif de ceux-là mêmes qui prétendent défendre le droit international.
Une telle annonce pourrait paraître historique, comme si elle consacrait une fracture au sein du bloc occidental autour de la guerre génocidaire menée contre les Palestiniens de Gaza et la solution à deux États. Mais, en réalité, il ne s’agit pour le moment que d’un geste symbolique, incapable d’empêcher l’ordre colonial israélien dans la poursuite de son projet d’effacement des Palestiniens. Preuve de ce mépris israélien, dès hier, le Premier ministre Netanyahou adressait aux États occidentaux un message sans ambiguïté : « J’ai un message clair pour ces dirigeants : cela n’arrivera pas. Aucun État palestinien ne verra le jour à l’ouest du Jourdain. » Dans la foulée, des ministres de l’extrême droite nationaliste appelaient à « l’annexion des terres de la patrie du peuple juif », tandis qu’à Gaza cinquante Palestiniens étaient tués, ajoutant au bilan déjà insoutenable d’au moins 100 000 morts, sans doute plus.
Cette impunité totale résulte de décennies de complicité et d’hypocrisie occidentales. Ce sont ces puissances occidentales, prétendant aujourd’hui reconnaître la Palestine, qui ont armé, financé et légitimé Israël et son projet colonial, transformant Gaza en cimetière à ciel ouvert. Après avoir entretenu ce cycle de dépossession et de destruction, elles cherchent désormais à se blanchir à peu de frais par une reconnaissance tardive et sans portée réelle, d’un État que l’occupation empêche toujours d’exister.
Reconnaître la Palestine, tout en laissant un génocide se dérouler sous nos yeux, c’est prolonger le cynisme : satisfaire ses opinions publiques tout en préservant son allié Israël et en le laissant parachever son projet colonial et génocidaire jusque dans les ruines de Gaza. Toute reconnaissance d’un État de Palestine sans l’adoption de sanctions, qui soient réellement dissuasives, se cantonne donc au registre du symbolique. Les obligations internationales des États ne se limitent pas à une déclaration : elles imposent l’application des ordonnances de la CIJ et des résolutions de l’AG, qui rappellent l’obligation de ne pas prêter aide ou assistance au maintien d’une situation illicite.
Pourtant, en France, certains intellectuels entretiennent le fantasme de cette reconnaissance qu’ils savent pourtant symbolique, relayant un discours dominant qui réduit la question palestinienne à une solution illusoire, qu’ils savent dépourvue de tout effet concret. Par ex, affirmer que cette reconnaissance permettrait aux Palestiniens de disposer d’un passeport et de ne plus être considérés comme réfugiés est faux : le statut de réfugié peut être attribué à une personne disposant d’un passeport, car il ne dépend pas de l’existence de celui-ci. Il est tout aussi erroné d’affirmer qu’une telle reconnaissance renforcerait les capacités juridiques de la Palestine sur la scène internationale, en lui permettant, par exemple, de se présenter enfin seule devant la Cour internationale de Justice. Depuis 2012, avec son statut d’État non membre observateur, la Palestine dispose déjà de cette faculté. Elle l’a d’ailleurs exercée : en 2018, elle a introduit une instance contentieuse contre les USA après le transfert de leur ambassade de Tel Aviv à Jérusalem, et elle a récemment déposé une demande d’intervention en tant qu’État dans l’Affaire du génocide portée par l’Afrique du Sud.
Surtout, cette reconnaissance traduit une posture néocoloniale. Dans la question palestinienne, la société internationale occulte l’essentiel : le droit d’un peuple colonisé à l’autodétermination. Il appartient ici au peuple palestinien, et lui seul peut définir les modalités de son exercice. Or, la reconnaissance d’un État palestinien limité aux frontières de 1967 – Cisjordanie, Jérusalem-Est et bande de Gaza – impose de l’extérieur une solution à deux États comme unique horizon politique. Cette imposition, sans consultation du peuple concerné, relève d’une logique coloniale : elle consiste à décider à la place du peuple qui subit l’oppression.
La même posture néocoloniale ressort des conditions imposées, à savoir notamment un État palestinien démilitarisé, quand dans le même temps l’État d'Israël peut demeurer structurellement colonial et sa population palestinienne soumise à un ensemble de lois d'apartheid.
Prétendre que cette solution suffirait à mettre fin au projet colonial est une illusion, qui passe sous silence des questions fondamentales. Qu’en est-il du droit au retour des millions de réfugiés palestiniens, reconnu par le droit international, mais bafoué depuis 1948 ? Comment parler d’État palestinien alors qu’Israël contrôle, en pratique, l’ensemble de la Palestine historique et poursuit son annexion rendue possible par l’hypocrisie et la complicité occidentales ?
Un État reconnu dans les discours ne vaut rien si, dans le même temps, son peuple continue d’être enterré sous les décombres avec le soutien actif de ceux-là mêmes qui prétendent défendre le droit international.
Dès lors, en l'absence de sanctions, l'enjeu principal n'est pas d'assurer les droits des Palestiniens, mais de préserver l'existence de l'allié des puissances occidentales dans la région.
Yaani est un collectif de recherche qui propose de décloisonner les études palestiniennes et les études israéliennes critiques à partir d’une analyse coloniale.