samedi 21 juin 2025

Gaza : le parti-pris médiatique ? Avec Denis Sieffert

 


Si la guerre à Gaza continue de perdurer et de s’intensifier sur le terrain, elle fait aussi et surtout l’objet d’une guerre de l’information. Le conflit israélo-palestinien cristallise les tensions et divise les opinions depuis plusieurs décennies. Aujourd’hui, l’absence d’une couverture équitable et proportionnée soulève des questions sur le rôle des médias dans la représentation des conflits internationaux. D’une part, la situation des Palestiniens et les crimes commis par l'armée israélienne à Gaza ont été passés sous silence dans de nombreux espaces du débat public et médiatique. Par ailleurs, l'accusation d'antisémitisme a été trop souvent proférée à l'encontre de ceux qui dénonçaient cette situation. D’autre part, cette couverture du conflit est d’autant plus critiquée qu’elle contraste avec le traitement réservé à la guerre en Ukraine et renforce « le deux poids deux mesures » reproché aux Occidentaux. Pour toutes ces raisons, le conflit apparaît dès lors comme un affrontement qui se joue aussi, et peut-être surtout, à travers les récits.

Comment a évolué le traitement médiatique et de l’information sur le conflit israélo-palestinien ? Quelles sont les causes de ce glissement vers un point de vue unilatéral du conflit dans les médias ? Est-ce que l’on peut parler d’un lobby pro-israélien et quels en seraient les contours ?

Autant d'enjeux abordés par Denis Sieffert, éditorialiste chez Politis.





Désinformation et fausses symétries dans le conflit israélo-palestinien

Denis Sieffert

La guerre, avant d'être une affaire militaire, est une affaire de mots. Ils ont joué un rôle majeur dans l'offensive déclenchée, le 28 février 2002, par l'armée israélienne contre les villes palestiniennes. On sait à quel point, à cette occasion, elle a placé l'information sous contrôle. Mais on sait moins que l'offensive a été préparée par un long travail de délégitimation de l'Autorité palestinienne. 

Cette entreprise de désinformation commence dès le lendemain de la négociation de Camp David II, en juillet 2000 : le " refus " de Yasser Arafat d'accepter la " généreuse " proposition israélienne de restitution de " 97 % " des territoires occupés va devenir une vérité acceptée par l'ensemble de l'opinion internationale. Or, comme le démontrent les auteurs de ce livre, il s'agit d'un pur mensonge, suivis de bien d'autres. Pourquoi ont-ils pu être aussi largement repris par la presse mondiale, et française en particulier ? 

Pour répondre à cette question, les auteurs ont décrypté la presse écrite et audiovisuelle, révélant comment, au même moment, les mêmes réécritures de l'histoire ou de l'actualité immédiate apparaissent dans la plupart des médias. Et en les confrontant aux témoignages de Palestiniens qu'ils ont recueillis, ils montrent à quel point le souci d'une prétendue objectivité peut devenir un obstacle à la vérité. 

Loin de tout parti pris militant, ce livre salutaire est aussi un appel à la responsabilité de ceux qui manient la parole publique, pour leur rappeler que les mots et les images peuvent tuer.