mardi 8 octobre 2024

Pourquoi les Juifs étaient-ils peu appréciés dans l’Empire romain ?




Claude (10 av. JC-54 apr. JC), empereur romain


En l’an 41, suite à de violents affrontements entre Grecs et Juifs à Alexandrie (les deux camps ayant envoyé une ambassade pour se plaindre à l’empereur), il écrivit cette réponse qui fut communiquée à la population :

« …je conjure, d’une part, les Alexandrins de se montrer bien disposés et bienveillants envers les Juifs qui habitent leur ville depuis de nombreuses années. (…) Et, d’autre part, j’ordonne formellement aux Juifs de ne pas intriguer pour obtenir plus de privilèges qu’ils n’en avaient auparavant, et à l’avenir de ne pas envoyer d’ambassade séparée, comme s’ils habitaient dans une ville séparée – chose qui ne s’était jamais produite auparavant –, de ne plus perturber les jeux des gymnasiarques et des cosmètes, tout en jouissant de leurs propres privilèges et d’une grande abondance de biens dans une ville qui n’est pas la leur, et de ne pas inviter ou faire venir des Juifs de Syrie ou de Basse-Egypte, une action qui me contraindrait à concevoir les plus graves soupçons. Sinon je les châtierai par tous les moyens en tant que fomenteurs d’une peste publique capable d’infecter le monde habité. » (lettre aux Alexandrins, 41 apr. JC)

Selon l’historien juif romanisé Flavius Josèphe, Claude permit aux Juifs de vivre selon leurs lois dans l’ensemble de l’empire ; Josèphe cite (dans "Antiquités judaïques") un texte de Claude qui se termine ainsi : « …pour les obliger par cette preuve de notre bonté à ne point mépriser la religion des autres peuples, mais à se contenter de vivre en toute liberté dans la leur… » (citation assez révélatrice…).

La phrase sur la « peste infectant le monde habité » faisait sans doute allusion au christianisme, et l’empereur semble en avoir tenu les Juifs pour responsables. De fait, à ses débuts, celui-ci fut bel et bien une infiltration judaïque dans la culture gréco-romaine, infiltration qui devait causer le lent pourrissement puis la chute de l’empire.

Plus tard, il semble que des querelles aient éclaté à Rome même entre Juifs et chrétiens. En l’an 49, Claude aurait chassé les Juifs de Rome. Suétone écrit que Claude « expulsa de Rome les Juifs qui y causaient de perpétuels désordres sous l’impulsion d’un certain Chrestus » (certains auteurs y voient une allusion au Christ, mais c’est une hypothèse très douteuse).

En tous cas, les Juifs étaient peu appréciés dans l’Empire. L’auteur juif Bernard Lazare reconnaît : « Pourquoi, dans toutes ces contrées, dans toutes ces villes, les Juifs furent-ils haïs ? Parce que jamais ils n’entrèrent dans les cités comme citoyens, mais comme privilégiés… leur patrie était toujours Jérusalem… ils considéraient comme impur le sol des peuples étrangers… » ("L’antisémitisme, son histoire et ses causes", 1894). Un autre auteur juif contemporain écrit : « Quand Rome impose la création de collèges d’artisans, les tribunaux rabbiniques enjoignent aux Juifs de ne pas en devenir membres pour ne pas avoir à travailler le jour du shabbat » (Jacques Attali, "Les Juifs, le monde et l’argent", 2002).

A Alexandrie, les Juifs étaient riches et très nombreux. Ils avaient obtenu une quantité incroyable de privilèges : ils étaient exemptés du service militaire ; ils avaient leur propre Sénat s’occupant exclusivement des affaires juives ; les distributions gratuites de blé étaient reportées spécialement pour eux lorsqu’elles tombaient un samedi ; ils avaient même obtenu le monopole de la navigation sur le Nil et du commerce du blé ! Tous ces privilèges étaient gravés sur une colonne. On sait aussi qu’ils circoncisaient leurs esclaves non-juifs. Tout ceci finit par leur attirer la haine du peuple, aussi bien à Rome qu’à Alexandrie (où se produisit un grand « pogrom » antijuif en l’an 38). Bernard Lazare écrit : « Ils habitaient à part… Ils se mariaient entre eux et ne recevaient personne chez eux, craignant les souillures. (…) ils étendaient leur trafic à toutes les provinces du littoral méditerranéen. Ils acquirent ainsi de grandes richesses… la colère contre ces accapareurs, formant une nation dans la nation, grandit » (op. cité). On sait aussi que les Juifs d’Alexandrie falsifièrent les textes des auteurs grecs et romains, pour faire croire que Eschyle, Sophocle et Euripide célébraient le seul Dieu et le sabbat (!) ; leur plus importante falsification fut celle des Oracles Sibyllins, fabriqués de toutes pièces, qui annonçaient l’approche du règne du Dieu unique (et donc des Juifs eux-mêmes – leur obsession depuis plus de deux mille ans).


Dion Cassius (155-235 apr. JC), historien romain


« Ces hommes (les Juifs) se distinguent du reste de l’humanité par tout leur genre de vie, pour ainsi dire (…) ce jour-là (le samedi) ils accomplissent nombre de pratiques singulières et ne se livrent à aucun travail sérieux. » (Histoire Romaine, XXXVII)

« Les Juifs étant de nouveau en si grand nombre à Rome qu’on ne pouvait, à cause de leur multitude, les chasser de la ville sans causer du désordre, (l’empereur) Claude ne les chassa point, mais il ne permit pas les réunions que leur loi commande. » (Histoire Romaine, LV)

En l’an 115, profitant du départ de nombreuses troupes romaines pour la guerre contre les Parthes (guerre décisive décidée par l’empereur Trajan), les Juifs déclenchèrent une insurrection fanatique (la seconde) contre l’empire romain. En Cyrénaïque, la quasi-totalité de la population gréco-romaine fut exterminée avec un luxe de cruautés. Ce massacre est confirmé par le fait qu’en 121 l’empereur Hadrien décidera d’envoyer des colons pour repeupler la région transformée en désert par la sauvagerie juive (voir aussi ce qu’en dit Ernest Renan). En 117, les massacres s’étendirent jusqu’en Egypte (où les faibles troupes romaines durent s’enfermer dans Alexandrie) et à Chypre ; toute la population de Salamine fut exterminée. Dion Cassius écrit :

« Les Juifs de Cyrène, ayant à leur tête un certain Andréas, massacrèrent les Romains et les Grecs. Certains mangèrent la chair de leurs victimes, se ceignirent de leurs entrailles, se barbouillèrent de leur sang et se couvrirent de leur peau. Ils en scièrent aussi beaucoup par le milieu du corps, en livrèrent d’autres aux bêtes féroces et en forcèrent d’autres à se livrer des combats de gladiateurs, si bien qu’ils en firent périr jusqu’à 220.000. Ils commirent des atrocités du même genre en Egypte, et à Chypre sous la conduite d’un certain Artémion : 240.000 hommes périrent ici. C’est à cause de cela qu’il n’est permis à aucun Juif d’aborder dans cette île : même s’il y est jeté par la tempête, on le met à mort. » (Histoire Romaine, citée par Xiphilin, LXVIII, 32.
Note : Plus de 460.000 victimes, principalement des citoyens grecs des villes de Cyrène et de l'île de Chypre. Le chiffre est probablement exagéré.)

L’empereur Trajan envoya l’un de ses meilleurs généraux, Martius Turbo, pour « nettoyer » l’Egypte, la Cyrénaïque et l’île de Chypre. Les massacres furent immenses, et à Chypre les Juifs furent exterminés jusqu’au dernier. Trajan, que cette révolte juive avait surpris sur ses arrières alors qu’il s’apprêtait à parachever ses conquêtes en Orient, fut pris d’une colère terrible et ordonna à un autre de ses généraux (Lusius Quietus) d’exterminer les Juifs dans la région de l’Euphrate (où ils s’étaient également soulevés). Quietus fut ensuite nommé gouverneur de la Palestine.

Source : "CE QUE LES GENS CELEBRES ONT DIT DES JUIFS".


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Bernard Lazare

"Il m'a semblé qu'une opinion aussi universelle que l'antisémitisme, ayant fleuri dans tous les lieux et dans tous les temps, avant l'ère chrétienne et après, à Alexandrie, à Rome et à Antioche, en Arabie et en Perse, dans l'Europe du Moyen Âge et dans l'Europe moderne, en un mot, dans toutes les parties du monde où il y a eu et il y a des Juifs, il m'a semblé qu'une telle opinion ne pouvait être le résultat d'une fantaisie et d'un caprice perpétuel, et qu'il devait y avoir à son éclosion et à ses permanence des raisons profondes et sérieuses."

"L'Antisémitisme, son Histoire et ses causes" est suivi de "Contre l'Antisémitisme", qui revient sur la polémique qui opposa Lazare à Drumont, auteur de "La France Juive." La lecture de l'ouvrage de Bernard Lazare, à qui un athéisme militant confère une rigueur nonpareille, est essentielle à la compréhension par notre temps, que déroute la reverdie du pire, des "raisons" - non des "justifications" - d'une haine millénaire meurtrière de nature à défier l'entendement.